"J’ai eu la peur de ma vie". En mars dernier, la fille de Svetlana explique ne pas se sentir bien lorsqu’elle sort de la piscine où elle s’entraîne quotidiennement. "Alyssia avait des fourmis dans le bras droit, qui était comme endormi", raconte la mère de famille. "Au début, j’ai mis ça sur le compte de la natation. Mais au moment de passer à table, ma puce m’a dit que la sensation de son bras commençait à se répandre dans la jambe du même côté ; j’ai donc vraiment commencé à m’inquiéter. Elle s’est ensuite mise à parler comme si elle avait un chamallow dans la bouche", poursuit-elle.
"Là, j’ai pensé qu’Alyssia faisait un AVC et ça n’a fait qu’un tour dans ma tête. J’ai pris son petit frère sous le bras et j’ai foncé aux urgences de Narbonne avec l’aide des ambulanciers", se souvient Svetlana. Une fois sur place, la jeune fille de 12 ans est immédiatement prise en charge par un médecin et passe une IRM qui ne révèle rien d’inquiétant. De ce fait, le diagnostic tombe : elle ne souffre pas d’un AVC mais bien d’une violente migraine avec aura. "Aux urgences, Alyssia n’était plus du tout cohérente dans ses propos. Alors que le médecin lui demandait comment avaient commencé ses sensations, elle lui a par exemple répondu 'bonjour'", se rappelle sa maman. "Ensuite, les premiers symptômes se sont calmés, mais elle s’est mise à avoir très, très mal à la tête. Ils l’ont donc mise sous perfusion pour la soulager et la crise est passée après qu’elle a dormi quatre bonnes heures", se félicite Svetlana.
Migraines chez l’enfant : "Il n’y a encore aucun traitement de fond"
Depuis cet épisode, Svetlana, qui souffre elle aussi de graves migraines depuis quelques années, a emmené sa fille chez son neurologue pour qu’il regarde ses examens. Le praticien a alors prescrit à la collégienne de l’ibuprofène et de l’efferalgan en cas de crise.
"J’ai commencé à faire des migraines il y a quatre ans à peu près. A l’époque, j’en souffrais presque tous les jours, mais depuis que j’ai été mise sous prozac, je n’en fais plus qu’une ou deux par mois. Cela me sauve ", retrace Svetlana. "En revanche, pour les enfants migraineux comme Alyssia, il n’y a encore malheureusement aucun traitement de fond", déplore-t-elle.
En tout, Alyssia a déjà fait quatre épisodes, dont deux moins marqués en primaire avant son passage aux urgences. "Quand cela se déclenche, j’ai la moitié de corps qui s’endort et je ne le sens plus. J’ai également des points noirs au niveau des yeux et je finis par avoir très mal à la tête. Sur une échelle de zéro à dix, je dirais que la douleur se situe à huit ou neuf", décrit la jeune fille. "Dans ce cas-là, j’arrête tout ce que je suis en train de faire et je vais prendre mes médicaments avec maman. Je vais ensuite m’allonger dans ma chambre en prenant bien soin de bannir toutes les sources de lumière et de bruit. Je m’endors alors pendant quelques temps et quand je me réveille, pouf, c’est presque terminé ! Après tout ça, j’oublie un peu ce qui s’est passé et je continue ma vie", relate-t-elle.
"A l’école, j’y pense tout le temps"
Du côté de la mère comme de la fille, l’apparition des migraines d’Alyssia suscite néanmoins bien des inquiétudes. "Comme je ne fais pas beaucoup de crises, la migraine ne m’empêche pas de vivre au quotidien. Mais c’est vrai qu’à l’école, j’y pense tout le temps, car j’ai peur d’être obligée de rentrer chez moi à cause d’un épisode et de devoir ensuite rattraper les cours", confie Alyssia. "Je crains aussi de ne plus pouvoir voir mes amis quand j’en ai envie et de louper des choses. En plus, quand maman n’est pas là avec moi, je ne sais pas vraiment quoi faire si la crise se déclenche", témoigne-t-elle.
"Je m’inquiète énormément pour ma fille", explique également Svetlana. "Personnellement, j’ai eu la chance que cela se déclare quand j’étais adulte, mais elle, elle n’est encore qu’au collège. Je me dis que si ça évolue comme moi sans traitement de fond, cela risque d’être très compliqué pour elle, même si Alyssia adore l’école", se navre-t-elle. "Je lis énormément sur la maladie via l’association de patients dont je fais partie, et je vois beaucoup de jeunes qui sont obligés d’arrêter les cours tellement ils font de migraines. Est-ce qu’on va pouvoir trouver une solution pour Alyssia dans ce cas-là ? Est-ce qu’elle va pouvoir gérer ?...", ressasse régulièrement Svetlana. "Je me pose aussi beaucoup de questions concernant son permis de conduire, car si une crise se déclenche pendant les cours, je ne sais pas du tout comment anticiper ce problème", s’alarme-t-elle.
"L’infirmière scolaire refuse qu’Alyssia ait ses médicaments sur elle"
Aux inquiétudes s’ajoutent les tracas du quotidien, même si Svetlana sait on ne peut mieux gérer les crises de sa fille. "Après le passage aux urgences d’Alyssia, ses professeurs et son directeur ont été très bienveillants à son égard. En revanche, l’infirmière scolaire refuse qu’Alyssia ait ses médicaments sur elle et les garde dans son bureau, contrairement aux recommandations du neurologue. C’est pourtant potentiellement dommageable, car quand une migraine se manifeste, il faut la traiter le plus vite possible pour limiter ses effets", dit Svetlana.
"Quand les points noirs arrivent dans mes jeux, je ne vois plus rien. Je risque donc de tomber en allant à l’infirmerie, surtout si une de mes jambes est engourdie", ajoute Alyssia.
"C’est souvent compliqué avec l’entourage "
"C’est aussi souvent compliqué avec l’entourage. J’ai la chance d’avoir un mari compréhensif, mais nos familles ont tendance à minimiser le problème car elles pensent que c’est juste un mal de tête qui va passer avec du doliprane, alors que c’est beaucoup plus handicapant que ça ! Une migraine, elle se manifeste avant et après le mal de tête, ce qui peut nous impacter plusieurs jours de suite. Et quand elle commence, on ne peut plus rien faire", souligne Svetlana, qui milite pour que ses céphalées soit davantage reconnues comme une maladie à part entière et pour que plus de recherches soient faites sur cette pathologie. "Il y a aussi souvent une forme de culpabilisation du malade, comme pour l’obésité. Par exemple, lorsqu’une journaliste du Parisien a posté une interview de ma fille sur Facebook, de nombreuses personnes ont estimé en commentaires que ses migraines venaient du fait qu’elle regardait trop d’écrans, ce qui est totalement faux", se désole-t-elle, me livrant par ailleurs s’être souvent sentie très seule face à la maladie. "Beaucoup pensent aussi à tort que les enfants migraineux inventent leur douleur pour rester à la maison ou éviter de faire un contrôle", critique-t-elle.
D’après son neurologue, la maladie d’Alyssia peut évoluer dans les deux sens lorsqu’elle sera réglée. Les migraines pourront alors soit disparaître, soit devenir chroniques. En attendant, toute sa famille verra bientôt un spécialiste de la génétique à Montpellier afin de faire des tests.
"J’ai fait des recherches et apparemment, nous souffririons de migraines hémiplégiques familiales", indique Svetlana. "Le rendez-vous servira à confirmer l’hypothèse qu’Alyssia et moi-même somment porteuses du gène qui transmet la migraine de génération en génération. Alyssia pourra ainsi décider plus tard si elle veut avoir des enfants dans ces conditions et si oui, cela nous permettra de se préparer tous ensemble à ce qui pourrait arriver à nos petits-enfants", continue-t-elle.
"Identifier nos éléments déclencheurs est très compliqué "
Les migraines à répétition touchent près d’un million de jeunes Français : ce n’est donc pas une maladie pédiatrique rare. "Dans le monde, la prévalence moyenne de cette affection chez l’enfant et l’adolescent est de 9 % chez les filles et de 7 % chez les garçons", complète la Voix des migraineux, qui a récemment lancé une campagne de sensibilisation à ce sujet.
Chez les enfants, la migraine déclenche des symptômes différents de ceux des adultes : pâleur, douleurs abdominales, céphalée souvent sévère, phonophobie et/ou photophobie. Dans 30 % des cas, elle peut s’accompagner d’une aura. La crise dure généralement moins longtemps chez les jeunes (2h vs 4h) et le mal de tête est souvent bilatéral, c’est-à-dire qu’il touche les deux tempes ou les deux parties du front.
"J’ai essayé d’identifier nos éléments déclencheurs avec le neurologue afin de prévenir les crises, mais c’est très compliqué. Pour moi comme pour Alyssia, seule la fatigue apparaît comme tel avec un peu plus de netteté", analyse Svetlana. "Peut-être aussi que les migraines de ma fille sont apparues à la suite du décès de sa grand-mère, car elles étaient très complices et les deux événements sont rapprochés dans le temps", conclut-elle.