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Témoignage patient

Syndrome de West : “Mon fils pouvait pleurer 20 heures par jour”

Par Sophie Raffin

Après des mois de pleurs incessants et de visites chez le médecin pour comprendre les troubles de son bébé, Cécile Decoatpont a découvert que son fils souffrait du syndrome de West, la forme la plus fréquente d'épilepsie rare du nourrisson. Elle se confie sur son combat pour Antoine, aujourd'hui âgé de 10 ans.

vejaa/istock
Antoine, le petit garçon de Cécile, était un bébé jamais serein. Il pleurait 20h sur 24h.
Un encéphalogramme, effectué après une errance médicale de 10 mois, a révélé que le bébé était atteint du syndrome de West.
Le syndrome de West est une maladie rare. Il se caractérise chez le nourrisson par des salves de spasmes, une stagnation ou une détérioration psychomotrice et une activité cérébrale anormale. C’est le type le plus fréquent d’épilepsie du nourrisson.

Si tous les bébés pleurent, les sanglots incessants de son fils Antoine, alors âgé de seulement quelques semaines, ont rapidement alerté Cécile Decoatpont. Après de très nombreuses visites chez les médecins et les urgences, il s’est révélé que le petit garçon avait une pathologie neurologique rare et grave : le syndrome de West.

Syndrome de West : "Toutes les zones cérébrales touchées sont irrécupérables"

Antoine est né le 30 novembre 2013. Son arrivée a été source de joie et de bonheur pour la famille. Mais au fil des jours et des semaines, Cécile - déjà maman d’une petite fille - s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas. "J’avais un enfant qui n’était jamais serein. Il pleurait tout le temps. Manger était compliqué, dormir était compliqué, le bain était compliqué. Rien n’allait jamais. Il pouvait pleurer 20 heures par jour", se souvient la maman.

Ne trouvant pas les clés pour faire cesser les pleurs de son enfant, Cécile décide de consulter et… fait face à une difficulté importante. "Quand vous allez chez le médecin en disant que votre bébé ne va pas bien. Il va écouter le cœur, les poumons et tout sera normal, car tout vient uniquement du cerveau en réalité."

En effet, le syndrome de West est une épilepsie rare chez le nourrisson. Cette pathologie se caractérise par des spasmes “par exemple, mon enfant levait les bras trois fois de suite. Mais comme il était agité, c’était difficile à identifier comme un symptôme”, précise la maman. Les autres symptômes sont un arrêt du développement psychomoteur puis une activité électrique anormale. Ce dernier point, qui est essentiel pour la pose du diagnostic, ne peut être détecté que par un encéphalogramme. Or, les médecins n’ont pas le réflexe d’en prescrire aux nourrissons qui ne "vont pas bien".

"Souvent, quand on a un bébé qui pleure beaucoup, les médecins nous disent qu’il a un reflux gastro-œsophagien. Ils donnent alors en première intention un traitement contre ce trouble. Logiquement, on ne constate pas d'amélioration. Quand on y retourne, on nous dit : attendez la diversification alimentaire quand il passera aux purées, ça ira mieux."

"Un bébé, ça pleure", "chaque enfant à son rythme"... Des paroles rassurantes, parfois condescendantes ou même désobligeantes, Cécile en a entendu beaucoup lors de ses nombreuses rencontres avec des médecins et des pédiatres.

"Un jour, j’ai été aux urgences, car physiquement et mentalement je n’en pouvais plus des pleurs de mon bébé, le médecin m’a répondu : je vais vous prescrire des boules quies comme ça vous ne l’entendrez plus pleurer et vous ne viendrez plus consulter."

Mais ces visites sans investigations neurologiques font perdre un temps précieux. En effet, chaque crise d’épilepsie endommage un peu plus le cerveau. "Toutes les zones cérébrales touchées sont irrécupérables", déplore Cécile. ll faut agir vite pour limiter les dommages et les lésions. Le retard de diagnostic est un vrai problème pour cette maladie qui touche les tout-petits.

Diagnostic : “j’étais contente, car après des mois d'errance, on avait trouvé”

Finalement, le diagnostic de syndrome de West a été posé lorsqu’Antoine avait 8 mois. Cécile se souvient parfaitement des événements qui ont permis de mettre un nom aux troubles de son fils. À cette époque, son mari travaillait en dehors du domicile conjugal toute la semaine. "J’assurais donc seule les enfants du lundi au vendredi. Les week-ends, mon mari voyait bien que c’était compliqué, mais il n’avait pas pris toute la mesure. À l’été, il a eu trois semaines de vacances et était avec moi à la maison. À la fin de la première semaine, il m’a dit : ce n’est pas possible, il a quelque chose qui ne va pas. Cet enfant est invivable, je l'emmène aux urgences. Je lui ai dit, vas-y tout seul, car j’en ai marre de faire rembarrer."

Arrivé aux urgences, son époux a trouvé une oreille attentive et le petit garçon a été pris en observation pendant 24 heures. "C’est peut-être, car c’est plus rare qu’un papa se déplace ou alors il est tombé sur un interne qui avait plus de temps. Mais mon mari a été plus entendu que moi quand il a dit que ça n’allait pas", remarque Cécile.

En voyant l’agitation et l’importance des pleurs du bébé, les médecins lui ont fait passer différents examens, dont l’encéphalogramme qui a révélé l’activité cérébrale anormale d’Antoine.

"Pour le grand public, une crise d'épilepsie, c’est une personne qui tombe qui tremble et c’était aussi ça pour moi. Chez un bébé, ce n’est pas du tout ça. Un bébé qui fait de l'épilepsie, il va par exemple cligner des yeux très fréquemment, garder les bras en l’air… Des signes difficiles à repérer pour les adultes", explique la maman.

Lorsque le médecin a révélé qu’Antoine souffrait du syndrome de West, une forme grave d'épilepsie du nourrisson, la première émotion de Cécile n’a été ni la peur, ni le désespoir. "J’étais contente, car après des mois d'errance, on avait trouvé. Normalement, j’aurai dû être effondré, mais je l’ai très bien pris."

Maladie rare et enfant : “On est seul pour les démarches”

"Après le diagnostic, mon enfant a été hospitalisé tout de suite. On s’est enfin senti pris en charge. On s’est dit qu’on allait pouvoir souffler." Mais rapidement, le couple a réalisé que s’il était possible de stopper l’épilepsie, les dommages cérébraux survenus pendant les crises au cours des 10 premiers mois de vie de leur bébé n’étaient pas réversibles. Il garderait des séquelles importantes en grandissant.

Cécile, qui devait reprendre le travail un mois plus tard, a été obligé de revoir ses projets afin de s’occuper de son fils. "On est seul pour les démarches, on n'explique pas les aides ou encore les procédures à entamer pour les avoir. On doit chercher et se démener seul."

Autre source d'inquiétude : le traitement antiépileptique peut avoir des répercussions importantes sur les petits, leur fonctionnement cérébral et leur comportement. "Ces enfants sont très énervés, agités, ils ont des troubles du sommeil. Donc on ne sait plus si c'est dû à la maladie ou au traitement… et au final notre fils ne va pas mieux, même s’il a pris un traitement. C’est difficile à accepter."

“L'épilepsie a apparemment endommagé la partie du cerveau liée à sa concentration”

Si Antoine n’a plus fait de crises d’épilepsie depuis ses 10 mois, le garçon, âgé aujourd’hui de 10 ans, a gardé de nombreuses séquelles. Son handicap est estimé à 80 %.

"L'épilepsie a apparemment endommagé la partie du cerveau liée à sa concentration donc il a un déficit de l’attention et une hyperactivité. Il ne peut pas rester concentré. Il passe d’une activité à l'autre sans arrêt. Cela complique beaucoup ses apprentissages à l’école".

Il est touché aussi d’un trouble du spectre de l’autisme et a régulièrement des hallucinations auditives et visuelles. "L’autre jour, j'ai été le chercher à la piscine et il m’a expliqué qu’il avait des branchies qui poussaient. Il ne rigole pas quand il dit ça, il est très sérieux. Il se met en colère si on ne le croit pas."

Antoine souffre aussi d’un trouble des fonctions exécutives. Il ne peut pas planifier les activités. Par exemple, lorsqu’il va au sport, il ne va pas se dire avant de partir : il faut que je prenne à boire pour quand j'aurai soif. "Il ne parvient pas à anticiper. Il faut tout gérer à sa place. On a une routine le matin : il se lève, il se lave les dents, il s’habille. Je dois rester à côté pour tout verbaliser… sinon il fait sa première tâche et attend. Il oublie ce qu’il doit faire."

Syndrome de West : "La pathologie fait peur donc certaines écoles ont refusé de le prendre"

Aujourd’hui, le jeune garçon qui bénéficie d’une AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap), est scolarisé. Mais il a été difficile de lui trouver une école. "La pathologie fait peur donc certaines écoles ont refusé de le prendre, d’autres ont accepté, mais dans des conditions drastiques : pas de cantine, pas de récréation, pas l'après-midi… On a dû se tourner vers le privé."

Et au-delà des problématiques scolaires, la famille Decoatpont doit aussi jongler avec l’administration et les services de santé. "Les procédures sont très compliquées. Parfois, on a envie de renoncer à certaines aides, car c’est trop compliqué et chronophage”, explique Cécile.

"On a souvent l’impression qu’on nous prend pour des menteurs qu’on pense que nous cherchons à nous faire l’argent sur le problème de santé de notre enfant. Le plus dur maintenant, c’est de devoir se battre sans arrêt : pour qu’il aille à l'école, pour qu’il ait de l’aide à l'école, pour avoir le médecin idéal pour ses troubles, pour qu’il ait les aides auxquelles il a le droit…"

En côtoyant si souvent les services et les professionnels de santé, Cécile reconnaît que de nombreux obstacles et le manque d'écoute rencontrés peuvent être liés aux tensions dans ces secteurs. "On voit la détresse des soignants, de la MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées, NDLR) qui n’a pas assez de moyens, des écoles… mais on ne peut pas porter la détresse de tout le monde. On a déjà celle de notre enfant à gérer", déplore la mère de famille.

Syndrome de West : “Je veux mettre mon parcours et le sien au service des autres”

Pour aider les familles à faire face aux bouleversements provoqués par cette maladie neurologique rare et à naviguer dans les démarches administratives, Cécile a créé le groupe Facebook en mars dernier. Baptisé "Le soleil se lève à l’West", prémices d’une association future.

"Au début, j’étais très prise par la maladie de mon fils. Il était impossible de s’impliquer dans la vie associative. Pour être efficace et utile, il faut prendre de la distance, ne plus être dans la colère. Aujourd’hui, je suis prête à le faire".

"L'association n’est pas pour mon fils, mais pour les autres. Je veux mettre mon parcours et le sien au service des autres. Ainsi, les erreurs qu’on a pu faire nous, les autres ne le feront pas. Il faut prendre du recul, analyser ce qu’on a fait."

Sur le groupe Facebook, les échanges des familles touchées par le syndrome ont déjà mis une problématique grave en lumière. "Il y a un gros problème d’approvisionnement d’un antiépileptique prescrit pour le syndrome de West appelé le Sabril. Il est donné en première intention chez beaucoup de patients. Il est actuellement en rupture de stock. Et il n’y a pas d’équivalent pour le remplacer."

Cette difficulté à obtenir le médicament est dangereuse pour la santé des enfants, puisque leur traitement ne doit jamais être interrompu jusqu’à leurs 3 ou 4 ans. Les parents doivent avoir recours au système D pour assurer la continuité des prises. Pour Cécile, cette situation - qui est loin d’être unique à cette maladie - est inadmissible. "Ce n’est pas normal que l’on ne puisse pas soigner avec un médicament connu, qu’il n’y ait pas d’anticipation."

Concernant l’avenir de son fils Antoine, Cécile reconnaît avoir toujours beaucoup de questions : "Sera-t-il autonome ? Pourra-t-il travailler ? On n’est pas sûr qu’il y arrive, c'est angoissant. Mais avec mon mari, on fait tout ce qu’on peut pour lui donner ce qu’il faut pour qu’il ait de l’autonomie."

Cécile est bien décidée à poursuivre son combat. "Il faut se battre… Même s’il y a des jours où on n'en peut plus, il faut avancer. Il faut garder son humour. Par exemple, quand mon fils a ses hallucinations, j’essaie d’en rire. Par exemple, quand Antoine m’a dit qu’il avait des branchies, j’ai répondu : c’est bien, on va changer notre alimentation et chercher du plancton. Il vaut mieux le prendre comme ça, sinon, c’est triste. Mais il faut s'entraîner, ce n'est pas inné. Je le reconnais."