De nombreuses infections ou encore des pathologies neurodégénératives s'accompagnent d’une faiblesse au niveau des muscles ou encore d’une fatigue musculaire importante. En étudiant des mouches à fruits et des souris, une équipe de la Washington University School of Medicine à St. Louis (USA) a mis en lumière le mécanisme en jeu derrière ce trouble. L'inflammation cérébrale, provoquée par ces maladies courantes, libère une protéine spécifique qui se déplace du cerveau vers les muscles et entraîne une perte de fonction musculaire.
L'étude est publiée le 12 juillet 2024 dans la revue Science Immunology.
Infection : des protéines messagères du cerveau à l’origine de la faiblesse musculaire
Pour étudier les effets de l'inflammation cérébrale sur la fonction musculaire, les chercheurs ont modélisé trois types de pathologie : une infection bactérienne à E. coli, une infection virale causée par le SARS-CoV-2 et la maladie d'Alzheimer. Ils ont étudié leurs effets chez des souris et des mouches à fruits.
Ils ont découvert que lorsque le cerveau est exposé aux protéines inflammatoires caractéristiques de ces maladies, des produits chimiques nocifs s’accumulent dans l’organe. Appelées espèces réactives de l’oxygène, elles conduisent les cellules cérébrales à produire une molécule immunitaire nommée interleukine-6 (IL-6). Cette dernière se déplace dans l’ensemble du corps grâce à la circulation sanguine. L’équipe a remarqué que l'IL-6 chez la souris – et la protéine correspondante chez les mouches des fruits – réduisait la production d'énergie dans les mitochondries musculaires.
"Les mouches et les souris qui avaient des protéines associées à la Covid-19 dans le cerveau ont montré une fonction motrice réduite : les mouches n'ont pas grimpé aussi bien qu'elles auraient dû, et les rongeurs n'ont pas couru aussi bien ou autant que le groupe témoin", explique l'auteur principal Aaron Johnson dans un communiqué de son établissement.
"Nous avons observé des effets similaires sur la fonction musculaire lorsque le cerveau était exposé à des protéines associées aux bactéries et à la protéine bêta-amyloïde de la maladie d'Alzheimer. Nous constatons également que cet effet peut devenir chronique. Même si une infection est rapidement éliminée, la performance musculaire réduite persiste plusieurs jours de plus dans nos expériences", ajoute l’expert.
Dans leur communiqué, les scientifiques précisent que les mêmes mécanismes sont probablement présents chez les humains. "On sait que la méningite bactérienne du cerveau augmente les niveaux d’IL-6 et peut être associée à des problèmes musculaires chez certains patients, par exemple. Parmi les malades atteints de COVID-19, des protéines inflammatoires du SARS-CoV-2 ont été découvertes dans le cerveau lors de l’autopsie, et de nombreux patients atteints de Covid long signalent une fatigue extrême et une faiblesse musculaire, même longtemps après la disparition de l’infection initiale. Les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer présentent également une augmentation des taux d'IL-6 dans le sang ainsi qu'une faiblesse musculaire."
Fatigue musculaire liée aux infections : une voie de traitement possible identifiée
Cette étude est parvenue à identifier des cibles ouvrant la porte à de potentiels traitements. Les chercheurs ont découvert que l’IL-6 active ce qu’on appelle la voie de signalisation JAK-STAT dans le muscle. Liée à la régulation cellulaire, elle entraîne une réduction de la production d’énergie des mitochondries. Plusieurs médicaments par exemple contre l'arthrite, déjà sur le marché, sont connus pour bloquer cette voie.
L’équipe estime qu’il serait intéressant de mener de nouvelles recherches cliniques pour mieux comprendre les mécanismes en jeu et déterminer si les traitements existants peuvent aider les patients souffrant de fatigue musculaire liée aux infections ou aux maladies inflammatoires.