"J’ai toujours voulu avoir deux enfants, pas plus", insiste Lola, aujourd’hui âgée de 28 ans. En 2019, l’aide-soignante dans un Ehpad non loin de Bordeaux, en Gironde, devient maman pour la première fois. Deux ans plus tard, elle donne naissance à son deuxième fils. "J’ai eu de nombreuses complications et j'ai même failli mourir au cours des deux grossesses. Lorsque j’attendais mon deuxième enfant, j’ai pris la décision de me faire ligaturer les trompes."
Légale pour toute personne majeure depuis la loi du 4 juillet 2001 en France, cette intervention chirurgicale, qui se fait en ambulatoire et sous anesthésie générale, consiste à sectionner les trompes de Fallope pour empêcher le passage des spermatozoïdes pour aller féconder l’ovule. En clair, elle permet d’éviter une grossesse. Après cet acte médical, remboursé par la Sécurité sociale à hauteur de 65 %, l'infertilité est définitive. Cependant, selon l’Assurance Maladie, "une opération de reperméabilisation des trompes est parfois possible avec des résultats très aléatoires".
Le couple est porteur "du gène à l’origine de la mucoviscidose"
"Cette idée m’a traversé l’esprit, car ma mère, qui était atteinte d’endométriose, a fait une ligature des trompes à 50 ans. Elle m’a confié que cette opération, qui ne nécessite pas beaucoup d’arrêt de travail, ne provoque pas forcément de douleurs et laisse juste une petite plaie au niveau de l’abdomen. Cela m’a convaincu, car je ne voulais plus prendre de contraception hormonale. De plus, on sait qu’aucune contraception n’est fiable à 100 %, on peut tomber enceinte avec la pilule, un stérilet, ce que je ne voulais vraiment pas", explique la jeune femme.
Un autre élément l’incite à se tourner vers cette méthode de contraception définitive. "Trois semaines après la naissance de notre deuxième fils, on a appris avec mon conjoint que nous étions, tous les deux, porteurs d’une anomalie du gène codant pour la protéine CFTR (pour cystic fibrosis transmembrane conductance regulator), porté par le chromosome 7, qui est à l’origine de la mucoviscidose." Cette maladie génétique héréditaire, dont souffre son petit garçon, est caractérisée par l’épaississement des sécrétions de plusieurs organes, essentiellement les poumons et le pancréas, ce qui altère leur fonctionnement.
Ligature des trompes : le médecin "m’a demandé si j’avais l’accord de mon mari"
"Avant même d’apprendre cela, j’étais sûre de vouloir faire une ligature des trompes. Cela n’était pas une décision prise sur un coup de tête. Je ne désirais plus avoir d’enfant, surtout s’il a un risque sur quatre d’être atteint de la mucoviscidose. Et si un jour, je tombe enceinte, je sais qu’il serait impossible pour moi de passer par la case avortement, c’est au-dessus de mes forces. Donc, la seule solution, c’est la contraception définitive, mais je ne savais pas que ça allait être un parcours du combattant !"
En effet, avant même d’accoucher en 2021, l’habitante aujourd'hui d'un petit village dans le Sud-Ouest de la France avait fait part de son choix de se faire ligaturer les trompes pendant son suivi gynécologique à l’hôpital. "Étant donné que je souhaitais le faire directement après mon accouchement, j’ai anticipé, car j’avais conscience qu’il y avait un délai de réflexion de quatre mois entre la première consultation et l’opération." Problème : Lola s’est heurtée à un mur. "Je n'ai même pas pu avoir de premier rendez-vous. On me l’a directement refusée car j’étais trop jeune. Selon les médecins, j’avais encore le temps de changer d’avis et ils disaient que les hormones de grossesse pouvaient influencer mon choix. Pourtant, ce n’était absolument pas le cas."
Déterminée, l’aide-soignante décide de demander à son médecin traitant une lettre lui permettant d’obtenir une contraception définitive. "Pour justifier son refus, il a évoqué mon âge et m’a aussi demandé si j’avais l’accord de mon mari. Je n’en revenais pas ! Et après lui avoir évoqué le fait que nous étions porteurs du gène responsable de la mucoviscidose, il m’a répondu que cette maladie aujourd’hui n’est plus comme celle d’avant." Choquée, la vingtenaire décide de changer de généraliste. "Je me sentais incomprise. Après les grossesses, j’ai dû multiplier les rendez-vous pour changer de méthode de contraception, car aucune ne me convenait. C’était épuisant !"
"Heureusement, mon conjoint a proposé de faire une vasectomie"
En faisant quelques recherches, la mère de famille se rend rapidement compte qu’elle n’est pas la seule à avoir affrontée des refus. "Je suis tombée sur un site, appelé Stérilisezmoi, qui répertorie les médecins acceptant de faire la ligature des trompes." Complètement démotivée à cette période-là, la patiente décide de lâcher l’affaire. "Heureusement, mon conjoint a proposé de faire une vasectomie." Pratiquée en structure de chirurgie ambulatoire sous anesthésie locale ou parfois générale, cette intervention consiste à couper ou obturer les canaux déférents qui partent de l'épididyme et vont jusqu'à la prostate. Ainsi, le sperme est dépourvu de spermatozoïdes, car le passage des spermatozoïdes vers la verge est impossible.
"Contrairement à mon cas, tout est allé très vite pour lui. Il a consulté un médecin qui lui a fait une lettre sans demander mon accord. Ensuite, il a vu un urologue et après le délai de réflexion de quatre mois, il s’est fait opérer en janvier dernier. Et moi, cela fait trois ans que je veux faire une ligature des trompes que l’on m’a refusée… Mais, je ne vais pas abandonner. Même si mon conjoint a fait une vasectomie, je compte reprendre les démarches après cet été. Nous, les femmes, ne sommes pas des machines à faire des enfants, on a le droit de choisir d’en vouloir ou non, en particulier lorsque cela met notre santé en danger !"