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Douleur et sommeil : le risque de la double peine

Par le Dr Jean-François Lemoine

Lorsque l'on souffre, on dort mal. Et le manque de sommeil augmente la sensibilité à la douleur, voire aggrave ses causes. Comment sortir de ce cycle infernal ?

fizkes / iStock
La douleur et le manque de sommeil forment un cercle vicieux où chacun exacerbe l'autre, impactant négativement la qualité de vie.
Améliorer l'hygiène du sommeil et gérer efficacement la douleur sont essentiels pour briser ce cycle.
Des approches complémentaires, comme l'acupuncture et l'exercice physique, peuvent également aider à améliorer le sommeil et à réduire la douleur.

C'est ce que l'on appelle un cercle vicieux : la douleur peut perturber le sommeil, tandis qu'un sommeil de mauvaise qualité peut exacerber la sensation de douleur. Voilà de quoi entraîner des troubles chroniques en réduisant la capacité du corps à se réparer et à se régénérer.

La douleur perturbe le sommeil

La douleur, qu'elle soit aiguë ou chronique, est l'un des principaux facteurs qui empêchent de passer de bonnes nuits. Les personnes souffrant de douleurs chroniques, telles que l'arthrite, la fibromyalgie, ou les douleurs lombaires, rapportent souvent des difficultés à s'endormir, des réveils fréquents pendant la nuit et une réduction de la qualité globale du sommeil. Selon une étude publiée dans le Journal of Pain, environ 50 à 80 % des personnes souffrant de douleurs chroniques ont des problèmes de sommeil.

Le manque de sommeil aggrave la douleur

Mais malheureusement, il y a un "effet miroir" à la douleur qui perturbe le sommeil : celui-ci joue en effet un rôle crucial dans la modulation de la douleur ! Un sommeil de qualité permet au corps de se réparer, de réduire l'inflammation et de réguler les neurotransmetteurs impliqués dans la perception de la douleur. Des recherches montrent qu'un déficit de sommeil peut abaisser le seuil de la douleur, augmentant la sensibilité et l'intensité des douleurs ressenties. Selon une étude menée par l'Université de Californie à Berkeley, une seule nuit durant laquelle une personne a mal dormi peut augmenter sa sensibilité à la douleur le jour suivant.

Les neurotransmetteurs et les hormones

Les neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine, ainsi que les hormones telles que le cortisol, jouent un rôle clé dans la régulation de la douleur et du sommeil. Et c'est parce qu'il peut entraîner un déséquilibre de ces substances chimiques que le manque de sommeil se ressent sur le niveau de la douleur. Par exemple, le cortisol, l'hormone du stress, tend à augmenter lorsque le sommeil est insuffisant, contribuant à une plus grande sensibilité à la douleur et à une inflammation accrue.

Par ailleurs, un sommeil de mauvaise qualité peut augmenter les niveaux de cytokines pro-inflammatoires, des protéines qui aggravent l'inflammation et la douleur. En retour, une inflammation accrue peut perturber le sommeil, créant un cycle difficile à briser. 

Impacts sur la santé

Ce cercle vicieux de la douleur et du sommeil peut avoir des répercussions importantes sur la santé mentale. Le manque de sommeil et la douleur chronique sont tous deux associés à des taux plus élevés de dépression, d'anxiété et de stress. Ces conditions peuvent, à leur tour, aggraver la douleur et perturber le sommeil, créant un cycle difficile à interrompre. Résultat, les victimes de cette combinaison de la douleur et des troubles du sommeil peuvent éprouver des difficultés à effectuer leurs activités quotidiennes, à maintenir des relations sociales et professionnelles, et à apprécier la vie en général.

Quelles stratégies pour briser le cercle vicieux ?

La première chose à faire est de respecter ce que l'on appelle l'hygiène du sommeil qui se réfère à des pratiques et des habitudes qui favorisent un sommeil de qualité. Voici quelques recommandations pour améliorer cette hygiène du sommeil :

- Respecter un horaire de sommeil régulier : se lever et se coucher à la même heure chaque jour aide à réguler l'horloge biologique.

- Créer un environnement propice au sommeil  avec une chambre sombre, fraîche et silencieuse.

- Limiter les stimulants en évitant par exemple la caféine, la nicotine et les écrans lumineux avant le coucher peut aider à préparer le corps au sommeil.

- Pratiquer la relaxation en utilisant des techniques comme la méditation, le yoga, ou des exercices de respiration.

- Certains suppléments, comme la mélatonine, peuvent aider à réguler le sommeil. Cependant, il est important de consulter un professionnel de santé avant de commencer tout nouveau supplément.

Mais une fois ces bonnes pratiques mises en oeuvre pour améliorer la qualité de votre sommeil, reste à gérer le deuxième paramètre, la douleur. Voici quelques approches :

- Les médicaments existent pour supprimer ou réduire la douleur. Il s'agit des analgésiques, des anti-inflammatoires ou des médicaments spécifiques à la douleur chronique. Ces traitements doivent être prescrits par un médecin.

- Les thérapies physiques comme la physiothérapie, les massages, et l'exercice régulier peuvent aider à réduire la douleur et à améliorer la qualité du sommeil.

- Les thérapies comportementales : la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour l'insomnie (TCC-I) est efficace pour traiter les troubles du sommeil chez les personnes souffrant de douleur chronique.

Et surtout, pensez à l'activité physique

L'activité physique régulière est essentielle pour la gestion de la douleur et du sommeil. D'une manière générale, il est recommandé pour rester en bonne santé de pratiquer une activité physique modérée à intense, comme la marche rapide, le cyclisme ou la natation, au moins trois fois par semaine.