Lymphomes non hodgkiniens (LNH), myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique obstructive et bronchite chronique… Une forte présomption d’un lien existe entre l’exposition aux pesticides et plusieurs pathologies, d’après un rapport d’un groupe d’experts réunis par l’Inserm publié en 2021. Pour tenter de contextualiser l’ampleur du phénomène de façon plus concrète, des scientifiques américains ont décidé de prendre en compte les données concernant le tabagisme afin de comparer les chiffres. Pour ce faire, ils ont étudié les effets de 69 pesticides sur l’incidence du cancer aux États-Unis entre 2015 et 2019. Les résultats ont été publiés dans la revue Frontiers in Cancer Control and Society.
L’utilisation accrue de pesticides conduit à une incidence plus élevée du cancer
Pour tous les types de cancers évalués ici, c’est-à-dire le cancer colorectal, la leucémie, le cancer du poumon, le lymphome non hodgkinien, le cancer du pancréas et le cancer de la vessie, “les pesticides ont un effet significatif sur l'augmentation du risque”. Cet effet s’applique aux agriculteurs, certes, mais également aux habitants vivant dans les zones où la production agricole est importante.
Pour tous ces cancers, les scientifiques ont constaté que la région des Grandes Plaines au centre du pays est celle où le risque supplémentaire est le plus faible. Ils précisent qu’il s’agit d’une région où l’activité agricole est la moins intense en termes de production totale. La différence entre cette région prise comme référence et la région à risque ajouté le plus élevé est de 154.541 cas de cancer supplémentaires par an.
“Dans notre étude, nous avons découvert que pour certains cancers, l’effet de l’utilisation de pesticides agricoles est comparable en ampleur à l’effet du tabagisme”, indique l’auteur principal de l’étude, le Dr Isain Zapata, professeur associé à la Rocky Vista University, College of Osteopathic Medicine dans le Colorado. Pour certains cancers comme la leucémie, le lymphome non hodgkinien et le cancer de la vessie, l’incidence a même été plus forte avec les pesticides qu’avec la cigarette. “La plus grande différence d'effet a été observée pour le lymphome non hodgkinien, avec 154,1 % de cas supplémentaires causés par les pesticides par rapport au tabagisme”, peut-on également lire dans le rapport.
L’effet cocktail à la loupe
Si 69 pesticides ont été évalués dans cette étude, c’est notamment parce que les chercheurs pensent que ce n’est pas un seul pesticide qui est responsable d’un cancer, mais l’effet cocktail des nombreux pesticides présents dans l’environnement. “Nous présentons une liste des principaux pesticides contribuant à certains cancers spécifiques, mais nous soulignons fortement que c’est la combinaison de tous ces pesticides et non pas un seul qui compte”, souligne le spécialiste qui précise également que : ”Dans le monde réel, il est peu probable que les gens soient exposés à un seul pesticide, mais plutôt à un cocktail de pesticides dans leur région.”
“Grâce à notre analyse exhaustive et à notre approche unique, notre étude souligne l'importance d'une évaluation holistique des risques liés à l'utilisation de pesticides pour les communautés, qui peut être utilisée pour influencer les futures politiques concernant les pesticides”, concluent les auteurs.
La France est le troisième pays européen autorisant le plus grand nombre de pesticides, selon une étude de Générations futures. Et d’après les données les plus récentes de la FAO, l’agriculture française a utilisé en moyenne 3,45 kilogrammes de pesticides par hectare de terres cultivées en 2022, soit environ 67.874 tonnes sur l’année.
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