"On sait que le comportement suicidaire découle de déterminants individuels, environnementaux et sociaux. Les troubles psychiatriques, les événements stressants de la vie et l'accès à des moyens létaux sont les principaux moteurs du suicide. Cependant, une partie des idées suicidaires est depuis longtemps attribuée à des processus sociaux ou contagieux. En d'autres termes, la proximité ou la familiarité avec des personnes qui ont eu des idées suicidaires, qui ont tenté de se suicider ou qui sont décédées peut induire des idées suicidaires ou des tentatives de suicide chez des adultes vulnérables", ont écrit des scientifiques de l'université de Columbia (États-Unis) dans une étude publiée dans la revue Science Advances.
Un modèle de contagion du suicide utilisant le nombre d’appels d’une ligne d’écoute et des données de mortalité
Dans le cadre de ces recherches, ils ont développé un modèle informatique pour examiner la dynamique sous-jacente à la contagion du suicide. Ce dernier présente une structure similaire aux modèles décrivant d'autres infections (grippe, coronavirus), notamment le nombre de personnes capables de transmettre la contagion et le nombre d’adultes susceptibles d'être "infectés". Il utilise deux sources de données. Tout d'abord, le nombre total d'appels hebdomadaires au National Suicide Prevention Lifeline, actuellement connu sous le nom de 988 Suicide and Crisis Lifeline (988 Lifeline), a été utilisé pour estimer les idées suicidaires. La seconde source est dérivée des données de mortalité du système national des statistiques de l'état civil, géré par le centre national des statistiques de la santé.
Après le suicide de Robin Williams, la probabilité d’avoir des idées suicidaires était multipliée par 1.000
Les auteurs ont constaté que les suicides de Robin Williams en 2014, et de Kate Spade et Anthony Bourdain, survenus à trois jours d'intervalle en 2018, ont entraîné une forte augmentation des pensées et des comportements suicidaires. D’après le modèle de contagion du suicide de l’université de Columbia, après le drame de 2014, la probabilité qu'une personne commence à avoir des idées de suicide a été multipliée par 1.000. En effet, un pic du nombre d'appels au service 988 Lifeline a été observée à ce moment-là.
Parmi les suicides de célébrités, le nombre de décès par suicide était environ deux fois plus élevé après celui de Williams en 2014, "ce qui pourrait refléter des différences dans la communication et l'attention des médias à la suite de chaque événement et le niveau de connexion de la population avec la personne décédée. Dans les simulations de 2014 et de 2018, les taux accrus de contagion ont duré environ deux semaines avant de revenir aux niveaux de base." Dans les faits, les taux de suicide ont augmenté de 37 % entre 2000 et 2018 et ont diminué de 5 % entre 2018 et 2020 avant de revenir à leur niveau le plus élevé en 2021, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).
Un modèle informatique pour donner "une réponse rapide axée sur la prévention du suicide"
D’après l’équipe, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour développer d'autres modèles, notamment ceux qui simulent les réactions de communautés spécifiques et ceux qui tiennent compte des efforts de sensibilisation des médias et de la santé publique. "À terme, notre objectif est de parvenir à ce qu'un modèle de contagion du suicide puisse informer une réponse rapide axée sur la prévention du suicide", a conclu Katherine Keyes, co-auteur des travaux.