Malgré leurs prouesses, n’oublions pas que les athlètes de haut niveau sont des êtres humains avec leurs faiblesses et leurs déceptions.
La parole des sportifs se libère et comme on peut le voir sur les médias et toutes sortes de réseaux sociaux, ils n’hésitent pas à faire part de leur difficultés et de leurs périodes de détresse.
Le Dr Sébastien Le Garrec, médecin du sport et chef du pôle médical de l’INSEP à Paris, lors de la session « Médecine olympique et Paralympique » à l’Académie de Médecine en juin 2024, confirme que le sportif de haut niveau rencontre régulièrement des « difficultés liées à son projet d’athlète, du côté sportif mais aussi personnel et professionnel ». Et selon lui, « la prévention a ici toute sa place ».
Des périodes clefs en faveur de soucis psychologiques
Certaines périodes représentent des risques d’altération de la santé mentale pour le sportif de haut niveau. Le Dr Le Garrec explique qu’il existe en effet des périodes clefs :
- Tout d’abord, l’entrée en structure de haut niveau qui comporte des entraînements plus exigeants et plus importants en nombre et en intensité. La concurrence au sein des groupes est non négligeable, apportant une pression supplémentaire. A ceci s’ajoute l’éloignement du domicile familial pour des athlètes souvent très jeunes.
- Puis vient l’arrêt de la carrière et du projet sportif avec un changement du rythme de vie. Il faut faire le deuil de la carrière sportive. C’est une période où il faut mener à bien de nouveaux projets personnels et sportifs.
Cela peut amener à « un sentiment de perte d’identité ».
Des facteurs favorisants à ne pas négliger
Il faut être vigilant face aux facteurs de risque de dégradation de la santé mentale des athlètes de haut niveau.
Comme le précise le Dr Le Garrec lors du colloque de l’Académie de Médecine, certains éléments doivent être surveillés, comme :
- Les blessure physiques qui font partie de la vie d’un athlète et engendrent un arrêt de l’entrainement et des compétitions. Elles entrainent alors un écartement du groupe d’entrainement avec des modification du rythme de vie et souvent des conséquences économiques, qui peuvent être mal vécues. Une vigilance particulière doit d’ailleurs être de mise sur la commotion cérébrale qui est considérée comme une blessure « invisible », mais qui peut être responsable de troubles psychologiques (risque dépressif dans 20 % des cas).
- Le surentrainement est possible également. La fatigue quotidienne est normale et la récupération indispensable. Il faut donc être vigilant au surentrainement qui doit être suspecté s’il y a plus de 5 à 7 entrainements par semaine avec une fatigue persistante depuis plus de 4 semaines et une réduction des performance supérieure à 10 % (sans maladie associée à cette baisse de performance). Le diagnostic est d’ailleurs souvent retardé avec comme conséquence possible un arrêt transitoire voire définitif de la pratique sportive.
- La non-sélection (comme par exemple aux Jeux de Paris 2024) et la contre-performance sont souvent vécues comme un échec avec des répercussions psychologiques.
- La pression de l’entourage n’est pas en reste. En effet, la famille, les entraineurs, les agents sportifs ou les dirigeants ont des attentes vis-à-vis du sportif. La pression psychologique et la charge émotionnelle sont importantes.
- Les réseaux sociaux, omniprésents, font partie du quotidien des jeunes sportifs. Il y a une forte médiatisation des athlètes. Les commentaires négatifs anonymes ou non sont potentiellement blessants. Il est nécessaire de savoir gérer l’utilisation des réseaux sociaux et être en capacité à s’arrêter de les regarder.
Des signes avant-coureurs à surveiller
Les manifestations d’une altération de la santé mentale peuvent être :
- Une altération de la quantité et de la qualité du sommeil
- Des signes dépressifs pouvant amener à des tentatives de suicide
- Des troubles anxieux
- Des difficultés d’attention
- Des troubles du comportement alimentaire
- Parfois la consommation de substances illégales.
Le Dr Le Garrec recommande d’être attentif aux signaux d’alerte, comme :
- Une fatigue anormale
- Des blessures à répétition
- Une certaine inquiétude et des ruminations
- Des troubles du sommeil
- Des troubles de l’alimentation
- Une variation de poids
- Une perte de motivation
- Des difficultés de concentration
- Une perte de l’estime de soi
- Un isolement
La prévention, un élément primordial
Une stratégie de prévention a été mise en place depuis plusieurs années avec la « communication indispensable entre les différents professionnels de santé et avec l’environnement sportif et familial ». De plus, « la surveillance médicale réglementaire (SMR) inclut d’ailleurs un suivi psychologique annuel depuis 2006 ». Plusieurs outils d’évaluation de la santé mentale ont été élaborés, comme le SMHAT-1 (Sport Mental Health assessment Tool, à l’intention des professionnels de santé) et le SMHRT-1 (Sport Mental Health Recognition Tool, à l’intention des athlètes et leur entourage).
Une prise en charge individuelle et complète
Selon le Dr Le Garrec, la prise en charge doit être personnalisée et globale avec un suivi par un médecin et/ou une psychologue.
En cas de nécessité, un traitement médicamenteux peut être mis en place après avoir analysé les effets positifs et négatifs sur la sécurité et la performance de l’athlète tout en respectant les obligations du règlement anti-dopage.
La prise en compte des entraîneurs dans cette prise en charge est primordiale, tout en conservant un appui de l’entourage familial.
La reconnaissance et la prise en charge de la santé mentale des sportifs de haut niveau se sont améliorées grâce à une meilleure écoute des athlètes. Mais il reste nécessaire de toujours informer les athlètes, les staffs techniques et l’entourage familial afin de détecter les signaux d’alerte à temps.