Bruits agaçants, piqûres, vecteurs de maladies… les raisons de fuire les moustiques sont nombreuses. Depuis plus de 100 ans, les scientifiques se sont relayés pour comprendre comment ces insectes trouvent leurs hôtes. Nous savons ainsi aujourd’hui que les moustiques comme Aedes aegypti utilisent plusieurs signaux pour détecter des hôtes : le CO2 expiré, les odeurs, la chaleur de notre peau et l'humidité de notre corps. Grâce aux chercheurs de l'Université de Californie à Santa Barbara, un autre élément peut être ajouté à la liste : le rayonnement infrarouge de la chaleur corporelle.
Leurs travaux ont été publiés dans la revue Nature, le 21 aout 2024.
Moustique : des infrarouges les aident à se guider
Certains animaux comme les vipères peuvent détecter les infrarouges thermiques émis par leurs proies. Les chercheurs ont voulu savoir si les moustiques femelles avaient la même capacité. Ils ont ainsi placé quelques spécimens dans une cage où il y avait deux zones distinctes. Si les deux avaient été exposées aux odeurs humaines et au CO 2 à la même concentration que celle que nous expirons, une seule partie avait aussi été exposée au rayonnement infrarouge provenant d’une source à température cutanée (c’est-à-dire environ 34 °C). L’équipe a ensuite compté combien de moustiques avaient commencé à sonder chaque zone comme s'ils cherchaient une veine.
"Le rayonnement infrarouge provenant d'une source à peu près égale à la température de la peau humaine a doublé le comportement global de recherche d'hôte des insectes lorsqu'il est combiné au CO 2 et à l'odeur humaine", notent les auteurs dans leur communiqué. Ils ont aussi découvert que la détection du rayonnement infrarouge était efficace jusqu’à environ 70 cm. "Ce qui m'a le plus frappé dans ce travail, c'est à quel point la détection du rayonnement infrarouge a fini par être puissante", explique le co-auteur principal Nicolas DeBeaubien. "Une fois, tous les paramètres parfaitement définis, les résultats étaient indéniablement clairs."
Si les infrarouges aident les moustiques à se guider, il ne s'agit pas de leur seul élément de "navigation". "Un seul signal ne stimule pas à lui seul l'activité de recherche d'hôte. Ce n'est que dans le contexte d'autres signaux, tels qu'une augmentation du CO 2 et de l'odeur humaine, que l'infrarouge fait une différence", explique Craig Montell de l'UC Santa Barbara. Des tests effectués ensuite ont, en effet, confirmé que l’infrarouge seul n’a aucun impact et ne permet pas aux insectes de trouver leur proie.
Comment les moustiques détectent les infrarouges de la chaleur corporelle ?
Les chercheurs avancent que notre chaleur corporelle, qui génère des infrarouges, pourrait atteindre certains neurones du moustique, les activant en les réchauffant. "En effet, un autre laboratoire a découvert la protéine sensible à la température, TRPA1, à l’extrémité de leurs antennes. Et l'équipe de l'UCSB a observé que les animaux dépourvus d'un gène trpA1 fonctionnel, qui code la protéine, ne pouvaient pas détecter l'infrarouge", détaillent les auteurs. "La pointe de chaque antenne est dotée de structures à chevilles bien adaptées à la détection du rayonnement. La fosse protège la cheville de la chaleur conductrice et convective, permettant au rayonnement infrarouge hautement directionnel de pénétrer et de réchauffer la structure. Le moustique utilise ensuite TRPA1 – essentiellement un capteur de température – pour détecter le rayonnement infrarouge."
Les vêtements amples efficaces pour éviter les piqûres
Par ailleurs, la capacité de détection des infrarouges serait aussi portée par la présence de certaines protéines de la famille des rhodopsines sensibles à la lumière dans l'organisme des moustiques.
Pour l’équipe, l’ensemble de leurs découvertes pourrait aboutir à de nouveaux types de répulsifs des moustiques. "Les résultats aident également à expliquer pourquoi les vêtements amples sont particulièrement efficaces pour prévenir les piqûres. Non seulement, il empêche le moustique d'atteindre notre peau, mais il permet également aux infrarouges de se dissiper entre notre peau et les vêtements empêchant les moustiques de les détecter."