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Neurones

Mémoire : le cerveau stocke au moins trois copies de chacun de nos souvenirs

Par Stanislas Deve

Une équipe de chercheurs révèle que le cerveau enregistre non pas une mais au moins trois versions distinctes d’un souvenir, chacune étant encodée par différents groupes de neurones.

Svisio / istock
On pensait jusqu’ici que le cerveau stockait une version unique de chaque souvenir, mais le cerveau enregistre en réalité au moins trois copies distinctes du souvenir dans différents groupes de neurones au sein de l’hippocampe, selon une étude.
En observant l’activité neuronale de souris, les chercheurs ont identifié trois groupes de neurones responsables de l’encodage des souvenirs à différents moments : les neurones précoces, intermédiaires et tardifs, qui émergent à différents moments du développement embryonnaire.
Cette découverte pourrait bien ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour moduler la mémoire de manière ciblée, en fonction du type de neurones utilisé pour stocker les souvenirs.

Comment nos souvenirs sont-ils stockés dans le cerveau et pourquoi changent-ils tout au long de notre vie ? On pensait jusqu’ici que le cerveau stockait une version unique de chaque souvenir, mais la réalité est bien plus complexe car "la mémoire ne peut pas simplement être une archive fixe du 'bon vieux temps' [...] Elle doit être dynamique, changer avec le temps et s’adapter à de nouvelles circonstances pour mieux nous aider à anticiper les choses et choisir le meilleur plan d’action".

Pour ce faire, selon une nouvelle étude publiée dans la revue Science, le cerveau enregistre en réalité au moins trois copies distinctes du souvenir dans différents groupes de neurones au sein de l’hippocampe, une région essentielle pour la mémoire et l’apprentissage.

Un stockage dynamique des souvenirs dans le cerveau

Pour parvenir à ce constat, les chercheurs de l’Université de Bâle, en Suisse, ont observé l’activité neuronale de modèles de souris alors qu’elles apprenaient et se remémoraient de tâches spécifiques. Ils ont ainsi identifié trois groupes de neurones responsables de l’encodage des souvenirs à différents moments : les neurones précoces, intermédiaires et tardifs, qui émergent à différents moments du développement embryonnaire.

Les neurones dits précoces encodent faiblement le souvenir au début, mais celui-ci se renforce au fil du temps, permettant au cerveau d’y accéder. Les neurones tardifs, enfin, codent le souvenir très fortement au début, mais de moins en moins avec le temps : cette copie finit par être inaccessible au cerveau et elle est plus susceptible d’être altérée et réécrite par de nouvelles informations. Entre les deux se trouvent les neurones intermédiaires, plus stables dès le départ, qui créent une copie du souvenir plus résistante aux changements.

"La façon dont les souvenirs sont stockés de manière dynamique dans le cerveau est la preuve de la plasticité du cerveau, qui sous-tend son énorme capacité de mémoire", expliquent les chercheurs dans un communiqué.

Moduler la mémoire pour traiter des troubles neurologiques ou psychiatriques

Cette découverte pourrait bien ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour moduler la mémoire de manière ciblée, en fonction du type de neurones utilisé pour stocker les souvenirs. Pour les personnes souffrant de troubles du stress post-traumatique (TSPT), par exemple, de nouveaux traitements pourraient favoriser l’activation des neurones tardifs, nés plus tard dans la vie : ceux-là étant plus malléables, les patients pourraient devenir plus réceptifs à des soins tels que la psychothérapie pour modifier ou atténuer les souvenirs traumatiques.

Pour les personnes souffrant de démence et de déclin cognitif, un médicament pourrait, à l’inverse, renforcer l’activité des neurones précoces, qui encodent fortement sur le long terme, et ainsi mieux protéger les souvenirs existants et ralentir la perte de mémoire. En clair, il s’agirait "soit d’adoucir les souvenirs qui sont pathologiquement intrusifs dans la vie quotidienne, soit d’en restaurer d’autres qu’on pensait perdus à tout jamais", concluent les auteurs.