Pour tenter de freiner la progression de la Covid-19 et de réduire la tension dans les hôpitaux, de nombreux pays ont fait le choix du confinement. L’impact négatif de cette mesure sur la santé mentale des adolescents a été très étudié. Mais, une nouvelle recherche montre qu’elle a également eu des effets sur leur cerveau : elle l'a fait vieillir plus vite. Cette maturation accélérée était par ailleurs plus prononcée chez les filles.
Les travaux ont été menés par l’Université de Washington et publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences le 9 septembre 2024.
Vieillissement du cerveau : les filles plus touchées que les garçons
En 2018, les chercheurs ont lancé une étude pour évaluer les changements dans la structure cérébrale des adolescents, car ils voulaient en apprendre davantage sur la maturation cérébrale. Cette dernière se mesure par l’épaisseur du cortex cérébral (couche externe de tissu du cerveau). "Le cortex cérébral s’amincit naturellement avec l’âge, même chez les adolescents. Le stress chronique et l’adversité sont connus pour accélérer l’amincissement du cortex, qui est associé à un risque accru de développement de troubles neuropsychiatriques et comportementaux", expliquent les auteurs dans leur communiqué.
Les scientifiques ont réuni 160 adolescents âgés de 9 à 17 ans en 2018 et leur ont fait passer des IRM. La cohorte devait passer de nouveaux examens en 2020, mais en raison de la pandémie, ils ont été repoussés à 2021.
"Une fois la pandémie en cours, nous avons commencé à réfléchir aux mesures cérébrales qui nous permettraient d’estimer les effets du confinement sur le cerveau”, explique Neva Corrigan, auteure principale et chercheuse scientifique à l’I-LABS. "Qu’est-ce que cela signifiait pour nos adolescents de rester à la maison plutôt que dans leurs groupes sociaux – pas à l’école, pas en train de faire du sport, pas en train de sortir ?"
Un amincissement cortical accéléré chez les jeunes
Pour répondre à ces questionnements, l’équipe a créé un modèle d’amincissement cortical attendu au cours de l’adolescence, en s’appuyant sur les premières données. Après comparaison, les nouveaux examens ont montré un effet général d’amincissement accéléré chez les jeunes. Toutefois, celui-ci était beaucoup plus prononcé chez les filles. L’accélération moyenne était de 4,2 ans pour les adolescentes et de 1,4 an pour les garçons.
Par ailleurs, les zones touchées par la maturation divergeaient aussi. Pour les jeunes filles, les effets de l’amincissement cortical ont été observés sur tout le cerveau, dans tous les lobes et les deux hémisphères. Pour les adolescents, ils n’ont été observés que dans le cortex visuel.
Cerveau : le manque d’interactions sociales au cœur de la maturation précoce
Patricia Kuhl, auteure principale et codirectrice de l’UW Institute for Learning & Brain Sciences (I-LABS), avance une hypothèse pour expliquer les différences de maturation observées entre les filles et les garçons. Cela pourrait être lié à la plus grande importance des interactions sociales dans le quotidien et la gestion du stress des adolescentes. En effet, elles privilégient davantage les relations avec leurs amies, privilégiant les rencontres, les discussions et le partage des émotions. Les garçons, de leur côté, ont plus tendance à se réunir autour d’activités physiques.
"Tous les adolescents ont été isolés mais les filles ont plus souffert"
"Ces moyens d’évacuer le stress n’existaient plus, mais les critiques et les pressions sociales demeuraient à cause des réseaux sociaux. Ce que la pandémie semble avoir vraiment fait, c’est isoler les filles. Tous les adolescents ont été isolés, mais les filles ont plus souffert. Leur cerveau a été beaucoup plus affecté."
L’experte ajoute qu’il est peu probable que le cortex cérébral s'épaississe à nouveau. Mais il est possible qu'il y ait une certaine récupération après le retour des interactions sociales et des sorties normales.