Le moustique tigre est désormais présent dans 78 départements de France hexagonale. Tandis que l'insecte progresse, le nombre de cas autochtones de dengue, de chikungunya et de Zika, aussi. Et selon une expertise de l’Anses, publiée le 13 septembre 2024, cela ne risque pas de s’arranger.
Les experts de l’agence estiment que la probabilité d’apparition d’épidémies de ces maladies dans les prochaines années est assez élevée sur le sol français.
Maladies transmises par les moustiques : des épidémies probables dans 5 ans
Cet été, quelques foyers de cas autochtones de chikungunya ou de dengue ont été recensés. L’origine des contaminations a toujours pu être retracée. Mais pour les experts, une épidémie de virus transmis par les moustiques tigres a une probabilité comprise entre 6 et 7 (sur une échelle allant 0 à 9) de survenir dans les cinq prochaines années. "On parle d’épidémie à partir du moment où il n’est pas possible de relier toutes les personnes infectées à un foyer. Cela veut dire que les transmissions échappent au dispositif de contrôle", explique Émeline Barrès, de la Direction d’évaluation des risques à l’Anses, l’une des deux coordonnatrices de l’expertise.
Or, une circulation importante de virus de la famille des arboviroses est susceptible de poser un problème, note le rapport. Les moyens de prévention et de contrôle des arboviroses pourraient être rapidement saturés. "Certains acteurs impliqués dans le suivi et la lutte anti-vectorielle que nous avons interrogés au cours de l’expertise nous ont confié qu’ils auraient été débordés si des cas supplémentaires étaient survenus ces dernières années", indique Véronique Raimond, économiste de la santé au sein de la Direction Sciences sociales, économie et société de l’Anses, l’autre coordinatrice de l’expertise.
Dispositif de lutte, hôpitaux : attention aux tensions en cas d’épidémie
Le rapport estime qu’aussi bien les dispositifs de prévention que de soins risquent d’être sous tension en cas d'une épidémie de maladies transmises par des moustiques tigres. Pour les hôpitaux par exemple, il y a également "un risque de saturation si cette épidémie coïncide avec une autre, comme cela a été le cas dans les Antilles en 2020, où une épidémie de dengue est survenue en même temps que celle de Covid-19. Le risque peut aussi exister si l’offre de soins, en particulier les médecins généralistes et les services d’urgence, est déjà saturée, comme cela peut être le cas pendant la période d’activité du moustique."
Même constat pour le système de lutte anti-vectorielle. "Les protocoles de surveillance et de contrôle nécessitent en effet, d’une part, de retracer tous les contacts de la personne infectée au cours des 10 jours précédents et, d’autre part, de contrôler les lieux visités par le malade afin d’éliminer les moustiques tigres présents", rappelle le rapport avant de conclure : "l’augmentation du nombre de cas avec les moyens actuels conduirait à une dégradation de la qualité des opérations, mais aussi des conditions de travail des personnes impliquées dans la surveillance".
Pour mieux lutter contre les maladies transmises par le moustique tigre, l'Anses recommande d’identifier et de coordonner les acteurs impliqués, “y compris la mobilisation de la population” et de former les personnels de santé en s’appuyant sur l’expérience des départements et des régions d’Outre-mer.
"Par ailleurs, la présence du moustique tigre étant favorisée par le dérèglement climatique et l’augmentation des températures, la lutte contre les arboviroses doit s’inscrire dans une approche plus large de lutte contre les changements climatiques et autres changements globaux", conclut l’ANSES.