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Physiologie

Respirer profondément pour voir une image plus claire ? C’est plus efficace qu'on ne le pense

Par Geneviève Andrianaly

Des chercheurs suisses montrent comment la respiration et le rythme cardiaque influencent la perception visuelle.

AaronAmat/iStock
Lorsque le cœur est relâché, nous percevons et faisons plus attention à une image, car les marqueurs de conscience apparaissaient environ 150 millisecondes plus tôt.
La respiration a un impact similaire sur la perception visuelle, avec le même retard lorsque l'image apparaît pendant l'expiration plutôt que pendant l'inspiration.
Par le biais des récepteurs de pression dans les artères, l'information visuelle peut suivre deux itinéraires différents : le cortex pariétal, en présence de signaux corporels, et le cortex frontal voisin, sans ces derniers.

Pour la première fois, des scientifiques de l’université de Fribourg (Suisse) ont mis en évidence des liens jusqu'alors inconnus entre le corps et le cerveau. Dans une étude, parue dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), elle a révélé que les rythmes cardiaques et respiratoires avaient un impact sur la prise de conscience d'un stimulus visuel.

Dans 85 % des cas, les participants ont donné la bonne réponse en suivant leur intuition

Afin de parvenir à cette conclusion, l’équipe a recruté des volontaires qui, durant une intervention, observé un écran sur lequel apparaissaient brièvement des carrés gris, hachurés en diagonale dans un sens ou dans l'autre. Après chaque stimulus visuel, ces derniers devaient répondre à deux questions : "avaient-ils vu les motifs ou non ?" et "quelle était leur orientation ?" Pendant cette expérience, les participants portaient des électrodes pour mesurer l'activité électrique de leur cerveau (à l’aide d’un électroencéphalogramme ou EEG) et du cœur (avec un électrocardiogramme ou ECG). Quant à leur respiration, elle a été suivie simultanément à l'aide d'une ceinture mesurant le volume abdominal. La comparaison des signaux électriques du cerveau entre les cas où les adultes ont vu les hachures et ceux où ils ne les ont pas vues a permis aux auteurs d'identifier des "marqueurs neuronaux de la conscience".

Les résultats ont montré que même si les personnes n’ont perçu consciemment qu'une fois sur deux le contraste des hachures, ils avaient la bonne réponse concernant l’orientation dans 85 % des cas. "Cela signifie qu'en suivant leur intuition - même sans savoir d'où elle venait - les participants avaient plus souvent raison que s'ils avaient répondu au hasard. Il semble donc que les volontaires aient parfois traité les schémas sans s'en rendre compte", ont expliqué chercheurs.

Respiration, cœur : les signaux corporels modulent la voie de la conscience dans le cerveau

En comparant les marqueurs neuronaux en fonction de la phase cardiaque, l’équipe a noté que si l'image était affichée alors que le cœur était relâché, les marqueurs de conscience apparaissaient environ 150 millisecondes plus tôt que si l'image était affichée alors que le cœur était en contraction. La respiration a un impact similaire sur la perception visuelle, avec le même retard lorsque l'image apparaît pendant l'expiration plutôt que pendant l'inspiration.

"Cette influence des rythmes corporels sur le cerveau est médiée par des récepteurs de pression dans les artères", a précisé Juliane Britz, auteure principale des recherches. Ces récepteurs restent silencieux lorsque le cœur est détendu et que l’on inspire, mais sont activés lorsque le cœur se contracte et que l’on expire. "Ils provoquent alors une sorte d'embouteillage neuronal qui retarde le traitement des stimuli visuels par le cerveau."

Cerveau : deux circuits distincts pour activer la perception d’un stimulus visuel

Autre découverte : l'information visuelle peut suivre deux itinéraires différents. En présence de signaux corporels, elle passe par le cortex pariétal, tandis qu'en leur absence, elle passe par le cortex frontal voisin. "C'est comme s'il y avait deux modes d'activation possibles pour un stimulus visuel, selon qu'il y a des signaux provenant du corps ou non", a spécifié la chercheuse. En définitive, ce sont les rythmes cardiaque et respiratoire qui déterminent, via les récepteurs de pression dans les artères, la voie cérébrale qu'empruntera la perception visuelle.