"Les gens comptent sur un retour auditif immédiat pour coordonner et contrôler les mouvements de leur tractus vocal au service de la production de la parole", a déclaré Matthew Masapollo, professeur de l'Université McGill (Canada). À partir de ce constat, le chercheur et son équipe ont réalisé une étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue The Journal of the Acoustical Society of America.
La capacité à bouger la mâchoire et la langue diminue quand on ne s’entend pas
Les scientifiques ont utilisé l'articulographie électromagnétique pour suivre les mouvements de la mâchoire et du bout de la langue pendant que des personnes ayant une audition normale ont lu à haute voix 480 énoncés, "avec des alternatives V et C, à travers une variation du taux de production (rapide-normal) et de l'accentuation (première syllabe accentuée-non accentuée)." Les participants ont parlé dans le cadre de deux conditions : lorsqu'ils pouvaient entendre leur discours et lorsque ce dernier était masqué par le bruit de plusieurs interlocuteurs.
Afin de quantifier l'effet du "feedback auditif" immédiat sur la coordination entre la mâchoire et le bout de la langue, le moment de l'élévation du bout de la langue pour dire C, par rapport au cycle d'ouverture-fermeture de la mâchoire pour dire V, a été obtenu dans chaque condition d'écoute. Dans les deux conditions, toute manipulation raccourcissant le cycle d'ouverture et de fermeture de la mâchoire a réduit la latence du mouvement du bout de la langue par rapport au début de l'ouverture de la mâchoire. Cependant, selon les résultats, les performances motrices de la parole diminuaient lorsque les volontaires ne pouvaient brièvement pas s'entendre.
Les malentendants se fient plus à la sensation de leur bouche et de leur langue pour parler
D’après les auteurs, cette découverte a des implications importantes pour la compréhension de la production de la parole chez les personnes malentendantes, en particulier celles qui utilisent des implants cochléaires. "Certains aspects de la production de la parole restent altérés, même des années après l'implantation, sans doute parce que les signaux auditifs disponibles grâce aux implants cochléaires sont dégradés", a déclaré Matthew Masapollo.
Actuellement, l’équipe étudie comment l'accès réduit aux sons par les implants cochléaires affecte la parole produite par les personnes qui ont reçu des implants cochléaires. Les résultats préliminaires suggèrent que les personnes malentendantes pourraient se fier davantage à la sensation de leur bouche et de leur langue, plutôt qu'à un retour d'information auditif, pour contrôler les mouvements de la parole. "Si ces données sont confirmées, la recherche clinique pourra en tirer parti en développant de nouvelles interventions thérapeutiques axées sur l'entraînement de la motricité buccale pour aider les enfants et les adultes souffrant de perte auditive."