- Des chercheurs ont analysé les plasmas de 624 femmes enceintes et ont trouvé 294 produits chimiques qu’ils ont ensuite analysé individuellement puis à travers 80 mélanges chimiques différents.
- “Même si les concentrations individuelles de substances neurotoxiques sont si faibles qu’elles se situent toutes en dessous du seuil d’effet, il y a toujours un effet sur les cellules nerveuses dans les mélanges complexes avec de nombreuses autres substances chimiques”, explique la toxicologue Pr Escher.
- Dans de nouveaux travaux, les scientifiques aimeraient donc affiner leur méthode d’analyse afin d’étudier les liens entre l’exposition à de tels mélanges chimiques et l’obésité, l’asthme ou encore les troubles du développement chez les enfants.
Aliments, eau, air… Les produits chimiques sont omniprésents et pénètrent dans notre corps lorsque nous mangeons, buvons, respirons ou encore lorsque nous utilisons des produits cosmétiques. Si de nombreuses réglementations existent concernant les concentrations maximales que ces substances chimiques ne doivent pas dépasser, elles ne prennent pas en compte leur potentiel effet cumulatif. “Les études sur l’environnement et l’eau montrent que les effets des produits chimiques s’additionnent lorsqu’ils sont présents à de faibles concentrations dans des mélanges complexes, explique la professeure Beate Escher, directrice du département de toxicologie cellulaire de l’UFZ et professeure à l’université de Tübingen. [Mais] il n’a pas encore été suffisamment étudié si c’est également le cas dans le corps humain. C’est précisément là qu’intervient notre étude.”
294 produits chimiques retrouvés dans les plasmas de 624 femmes enceintes
“Dans notre vie quotidienne, nous sommes exposés à une grande variété de produits chimiques qui se dispersent et s'accumulent dans notre corps. Il s'agit de mélanges extrêmement complexes qui peuvent affecter les fonctions corporelles et notre santé”, commence par expliquer la spécialiste en toxicologie pour présenter ses travaux publiés dans la revue Science.
Avec ses collègues, elle a analysé plus de 600 échantillons de sang de femmes enceintes de la cohorte mère-enfant LiNA de Leipzig, coordonnée par l’UFZ depuis 2006. Dans un premier temps, les chercheurs ont analysé individuellement les produits chimiques présents dans les échantillons. “Nous voulions savoir quelles substances chimiques étaient contenues dans le plasma sanguin et à quelles concentrations. Nous avons utilisé un procédé d’extraction en deux étapes pour isoler les mélanges chimiques les plus divers possible”, précise Georg Braun, chercheur postdoctoral au sein du groupe de travail de la Pr Beate Escher et premier auteur de l’étude.
À l’aide d’analyses par spectrométrie de masse, ils ont recherché 1.000 produits chimiques différents qui pouvaient être présents dans l’environnement, ingérés par l’Homme et avoir des effets néfastes sur la santé humaine. “Parmi ceux-ci, nous avons pu quantifier environ 300 produits chimiques dans plusieurs échantillons de plasma”, avance le chercheur.
“Notre étude nous a permis de prouver pour la première fois que ce que l’on sait sur les effets des mélanges chimiques dans l’environnement s’applique également à l’Homme”
Avec cette base, le groupe de recherche a ensuite utilisé un modèle de prédiction pour calculer les effets neurotoxiques des mélanges chimiques. Les tests pour indiquer des potentiels effets neurotoxiques ont été effectués grâce à un bio-essai cellulaire établi sur des cellules humaines.
“Nous avons analysé des produits chimiques individuels ainsi que près de 80 mélanges chimiques différents fabriqués par nos soins dans des proportions de concentration réalistes. Les extraits des échantillons de plasma ont également été testés”, relate le Pr Braun.
Ces expériences en laboratoire ont confirmé les prédictions du modèle : “les effets des
substances chimiques s’additionnent dans les mélanges complexes”, dit la Pr Escher.
“Même si les concentrations individuelles de substances neurotoxiques sont si faibles qu’elles se situent toutes en dessous du seuil d’effet, il y a toujours un effet sur les cellules nerveuses dans les mélanges complexes avec de nombreuses autres substances chimiques” ajoute-t-elle. “Notre étude nous a permis de prouver pour la première fois que ce que l’on sait sur les effets des mélanges chimiques dans l’environnement s’applique également à l’Homme. Il est donc impératif de repenser l’évaluation des risques. Les substances indicatrices seules sont loin d’être suffisantes. À l’avenir, nous devons apprendre à penser en termes de mélanges.”
Allergies, obésité, troubles du système immunitaire… Quel impact sur la santé ?
Selon l’immunologiste environnementale Gunda Herberth, “il devient de plus en plus évident que de nombreuses maladies telles que les allergies, les troubles du système immunitaire, l’obésité ou le développement du système nerveux sont liées à l'exposition à des produits chimiques dans l'utérus ou dans la petite enfance”. Dans de nouveaux travaux, les scientifiques aimeraient donc affiner leur méthode d’analyse afin d’étudier les effets des mélanges chimiques sur d’autres paramètres liés à la santé, comme l’immunotoxicité ou encore d’éventuels liens entre l’exposition aux produits chimiques et les troubles du développement chez les enfants.