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Gène

Voici pourquoi nous aimons tant les glucides

Par Stanislas Deve

Nos ancêtres préhistoriques ont développé un gène clé permettant de mieux digérer l’amidon des glucides, ce qui expliquerait notre goût prononcé pour les féculents et les sucres.

a_namenko / istock
Notre difficulté à réduire les glucides pourrait être liée à une ancienne adaptation génétique. Le gène AMY1, responsable de la production d'amylase, une enzyme qui décompose l'amidon, s'est dupliqué chez nos ancêtres il y a plus de 800.000 ans.
Plus on a de copies de ce gène, mieux on digère les glucides. Cette adaptation, présente chez les chasseurs-cueilleurs bien avant l'agriculture, s'est intensifiée avec les régimes riches en amidon.
Comprendre cette variation génétique pourrait offrir de nouvelles pistes pour mieux gérer le métabolisme et la digestion des glucides aujourd'hui.

Vous avez du mal à résister à la tentation des pâtes et du pain ? Et si cela était tout simplement ancré dans votre ADN ? Une nouvelle étude menée par l’Université de Buffalo et le Jackson Laboratory, aux Etats-Unis, révèle que nos ancêtres ont développé un gène spécifique permettant de mieux digérer l'amidon, un composant essentiel des aliments riches en glucides. Ce gène, appelé AMY1, est responsable de la production de l’amylase, une enzyme qui permet de décomposer l'amidon dans la bouche : plus nous avons de copies de ce gène, plus nous pouvons métaboliser efficacement ce type d’aliments.

Une capacité génétique à mieux digérer les glucides

Dans le cadre de leurs travaux, publiés dans la revue Science, les chercheurs ont découvert que les premières duplications du gène AMY1 se sont produites il y a plus de 800.000 ans, bien avant l’apparition de l’agriculture. Cette découverte bouleverse la théorie selon laquelle l’adaptation à une alimentation riche en amidon aurait été liée à l'agriculture. En réalité, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs avaient déjà entre quatre et huit copies du gène AMY1, leur permettant de digérer les aliments riches en amidon qu’ils trouvaient dans la nature.

Les duplications du gène AMY1 ont également été observées chez les Néandertaliens et les Dénisoviens, deux anciennes espèces humaines, ce qui indique que cette adaptation génétique est très ancienne et remonte à une période où les évolutions humaine et néandertalienne n’avaient pas encore divergé.

L’étude révèle que plus nous avons de copies du gène AMY1, plus nous produisons d’amylase, ce qui facilite la décomposition de l’amidon en glucose, une source d’énergie pour notre corps. "L’idée est que plus vous avez de gènes d’amylase, plus vous pouvez produire d’amylase et mieux vous digérez l’amidon", résume le professeur Omer Gokcumen, qui a participé aux travaux, dans un communiqué. Cette capacité accrue à mieux digérer les glucides aurait offert un avantage évolutif aux humains, notamment pendant les périodes où les régimes riches en glucides sont devenus plus courants avec l’évolution des technologies et des modes de vie.

L’impact de l’avènement de l’agriculture sur nos gènes

Avec l’avènement de l’agriculture, la quantité de copies du gène AMY1 a continué d’augmenter. En Europe, par exemple, les populations agricoles ont vu leur nombre moyen de copies du gène AMY1 passer de quatre à sept au cours des 12.000 dernières années. Cette adaptation a été favorisée par la consommation régulière de céréales et autres aliments riches en amidon. Les individus ayant plus de copies du gène étaient probablement capables de mieux digérer ces aliments et, par conséquent, étaient en meilleure santé et plus aptes à se reproduire. Ces adaptations, façonnées par des milliers d’années d’évolution, continuent d'influencer la façon dont notre corps réagit aux glucides aujourd’hui.

A noter que cette évolution ne se cantonne pas à l’Homme. Des animaux domestiqués vivant aux côtés des humains, comme les chiens et les porcs, ont également vu leur nombre de copies du gène AMY1 augmenter, ce qui leur permet de mieux digérer les régimes riches en amidon fournis par les humains. Les recherches autour de cette variation génétique pourraient, selon les chercheurs, avoir des implications importantes pour la santé, notamment en ce qui concerne la digestion de l'amidon et le métabolisme du glucose.