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Grossesse

Comment les Tibétaines arrivent-elles à procréer en haute altitude ?

Par Sophie Raffin

Des chercheurs ont découvert que les Tibétaines qui avaient le plus d’enfants présentaient des niveaux d’oxygène plus élevés dans le sang que les autres.

TMSK/istock
Une nouvelle étude de l'Université Case Western Reserve révèle un lien entre l'apport d'oxygène et la réussite reproductive chez les femmes vivant sur le haut plateau tibétain.
Les chercheurs ont remarqué que les femmes ayant le plus d'enfants, avaient une saturation en oxygène dans le sang plus élevée que les autres.
Ce trait est lié à un variant du gène EPAS1. Il pourrait descendre de l'Homme de Denisova qui vivait en Sibérie il y a environ 50.000 ans.

Au fur et à mesure que l’altitude augmente, la quantité d’oxygène diminue rendant les conditions de vie plus difficiles pour les humains. Et poutant, les Tibétaines parviennent à porter la vie alors qu’elles habitent en très haute altitude.

La chercheuse Cynthia Beall de l'Université Case Western Reserve et son équipe ont tenté de percer les secrets de la fertilité de ces femmes qui vivent dans des conditions extrêmes. Elles ont découvert qu’elles possèdent des traits physiologiques boostant leur capacité à se reproduire dans un environnement pauvre en oxygène.

Procréation en haute altitude : les Tibétaines ont une saturation en oxygène plus élevée

Pour comprendre comment l’humain parvient à avoir une progéniture au cœur des montagnes tibétaines depuis plus de 10.000 ans, les chercheurs ont suivi 417 femmes tibétaines âgées de 46 à 86 ans qui vivent entre 3.600 et 4.200 mètres au-dessus du niveau de la mer dans un endroit situé au Royaume du Mustang au Népal, à l'extrémité sud du plateau tibétain. Ils ont noté le nombre d'enfants mis au monde, leurs antécédents de grossesse ainsi que des mesures physiologiques. Ils ont également effectué des prélèvements d’ADN.

En étudiant les données recueillies, les scientifiques ont découvert que les femmes qui avaient le plus d'enfants, avaient un ensemble unique de traits sanguins et cardiaques qui aidaient leur corps à fournir de l'oxygène. Elles présentaient des niveaux d'hémoglobine (la molécule qui transporte l'oxygène), proches de la moyenne. En revanche, leur saturation en oxygène était plus élevée. Pour eux, cette spécificité permet "une livraison plus efficace de l'oxygène aux cellules sans augmenter la viscosité du sang : plus le sang est épais, plus le cœur est tendu".

"Il s'agit d'un cas de sélection naturelle en cours", explique Cynthia Beall dans un communiqué. "Les femmes tibétaines ont évolué d'une manière qui équilibre les besoins en oxygène du corps sans surmener le cœur."

Oxygénation : un trait génétique qui viendrait de l’Homme de Denisova

Dans leur article paru dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS) le 21 octobre 2024, les chercheurs précisent que le trait génétique est un variant du gène EPAS1 qui est unique aux populations indigènes du plateau tibétain et régule la concentration en hémoglobine. Ils avancent que ce dernier doit descendre des Hommes de Denisova, une espèce éteinte du genre Homo qui vivait dans les montagnes de l’Altaï en Sibérie il y a environ 50.000 ans.

D'autres traits, tels que l'augmentation du flux sanguin vers les poumons et les ventricules cardiaques plus larges, participent aussi à l'amélioration de l'apport en oxygène. "Ces traits ont contribué à un plus grand succès reproductif, offrant un aperçu de la façon dont les humains s'adaptent aux niveaux de faible taux d'oxygène dans l'air et leur corps tout au long de leur vie", concluent les auteurs.