Pourquoi Docteur : Que recouvrent les soins de santé primaires concrètement ?
Professeure Julie Dupouy, coordinatrice du réseau F-CRIN « MUST »
: Les soins de santé primaires sont les soins de premier recours. C’est le premier contact avec le système de santé pour le patient. Typiquement, ce sont des professionnels de santé en médecine de ville comme les médecins généralistes, les pharmaciens, les kinésithérapeutes, les sages-femmes, les infirmières, etc. Cela inclut aussi des notions de coordination car ces professionnels sont au plus proche des patients et peuvent donc créer une relation de continuité et leur apporter des soins plus personnalisés.
Finalement, les soins primaires regroupent la majeure partie des soins médicaux ?
Effectivement ! Le carré de White, défini dans les années 1960 et actualisé en 2023 par le Pr Laporte dans le système français, montre que face à un problème de santé, c’est seulement 5 patients sur 1.000 qui sont hospitalisés dans un CHU pour un problème de santé.
La recherche en soins primaires est donc intéressante parce qu’elle permet de regrouper une partie plus large de la population ?
Exactement, la recherche en soins primaires permet d’élargir les caractéristiques des patients pour avoir une recherche beaucoup plus proche de la population générale.
Vous auriez un exemple concret de recherche à nous donner ?
Plusieurs projets de recherche en soins primaires ont déjà été réalisés. Il y a eu notamment le projet Coverage pendant la période du Covid, qui cherchait à tester des traitements en face précoce contre la Covid-19. Il fallait donc inclure des patients lorsqu’ils avaient les premiers signes de Covid, c’est-à-dire des patients qui ne sont pas encore à l’hôpital, donc il fallait forcément les trouver grâce aux soins primaires.
À court terme, quels sont les objectifs du réseau “MUST” ?
À court terme, le réseau “MUST” a pour objectif d’apporter les moyens pour la recherche en soins primaires dans certaines maisons de santé, centres de santé ou cabinets médicaux expérimentés, ou équipes de soins primaires qui ont déjà une expérience en recherche clinique.
Concrètement, comment se déploie ce réseau ?
Trois sites universitaires dans trois régions -Île-de-France, Pays de la Loire et Occitanie- ont ouvert en 2024. L’idée est d’avoir des personnels de recherche dans ces régions-là qui vont aller se déployer dans les maisons/centres de santé pour aider les professionnels de santé à mener les projets de recherche. Il y aura une coordination régionale et nationale avec les autres projets de recherche pour une bonne cohérence des projets. En 2025, trois autres sites universitaires vont ouvrir. Il y aura ensuite une montée en charge avec de plus en plus d’équipes de soins primaires qui seront engagées dans des projets de recherche.
Les projets de recherche sont-ils forcément nationaux ou peuvent-ils être internationaux ?
Les projets de recherche peuvent être nationaux ou internationaux. Par exemple, le réseau MUST va participer au projet COLCOT-T2D proposé par une équipe canadienne et qui va s’étaler sur 3 à 5 ans. Le but est de tester l’aspirine et la colchicine en prévention primaire des pathologies cardiaques chez le patient diabetique de type 2.
Comment les patients français peuvent-ils y participer ?
C’est le médecin généraliste qui va pouvoir proposer à certains de ses patients d’y participer. Il y a quelques critères à respecter : le patient doit donc être diabétique de type 2, être âgé entre 55 et 80 ans et ne pas avoir de problèmes cardiaques car on veut justement étudier si l’aspirine ou la colchicine, en plus du traitement contre le diabète, permet de diminuer la mortalité ou morbidité des malades. L’essai est randomisé, c’est-à-dire que le traitement est attribué au malade par tirage au sort, donc ni le médecin, ni le patient, ne sait s’il prend de l’aspirine, de la colchicine ou un placebo.
D’autres projets ?
On va certainement lancer un projet sur le dépistage du cancer du poumon car c’est un sujet qui occupe beaucoup la communauté scientifique. Certains pays ont décidé de déployer le dépistage de ce cancer à large échelle et pour l’instant il n’y a pas eu d’étude d’implémentation en France... Le réseau va également s’appuyer sur un autre projet d’envergure, le projet P4DP : un projet de base de données en médecine générale via la collecte des données des patients dans les logiciels médicaux, de façon anonymisée, en respectant le RGPD. Cela nous permettra de définir la faisabilité de telle étude, de repérer les patients pouvant participer, de faire du suivi à long terme, etc.