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Résilience cérébrale

Alzheimer : le bilinguisme protège contre le déclin cognitif

Par Sophie Raffin

Être bilingue apporterait une protection cérébrale contre la maladie d’Alzheimer, selon une nouvelle étude.

Oko_SwanOmurphy/istock
Selon l'étude, les personnes atteintes d'Alzheimer qui parlent deux langues avaient un hippocampe nettement plus grand que les autres malades.
Cela pourrait expliquer pourquoi les bilingues développent la maladie plus tard que les autres patients.
Parler plus d’une langue est l’une des nombreuses façons de stimuler les facultés cognitives et sociales, concluent les chercheuses.

Le bilinguisme n’offre pas uniquement davantage d'opportunités professionnelles. Des études ont montré qu'il protège également du déclin cognitif et retarde l’apparition de la maladie d’Alzheimer de cinq ans au maximum par rapport aux personnes ne parlant qu’une seule langue.

Des chercheuses de l’université Concordia ont mis en lumière les mécanismes cérébraux qui protègent les patients bilingues. Elles ont détaillé leur découverte dans la revue Bilingualism: Language and Cognition.

Alzheimer : l’hippocampe des bilingues est plus gros que les autres

Pour mieux comprendre la résilience cérébrale découlant du bilinguisme, l’équipe canadienne a étudié et comparé les cerveaux de personnes parlant une ou deux langues par le biais de l’imagerie. Certains des participants étaient en bonne santé neurologique tandis que d’autres présentaient des troubles cognitifs légers ou avaient reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer.

Les scientifiques ont découvert que l’hippocampe des bilingues atteints de la maladie d’Alzheimer était nettement plus grand que celui de personnes monolingues. "La matière cérébrale était plus importante dans l’hippocampe, qui est la principale région du cerveau responsable de l’apprentissage et de la mémoire – et l’une des plus endommagées en cas d’Alzheimer", explique l’auteure principale et doctorante Kristina Coulter.

En étudiant les caractéristiques cérébrales des volontaires bilingues et monolingues, les chercheuses ont constaté que si l’atrophie de l’hippocampe était visible chez les personnes monolingues atteintes de troubles cognitifs légers ou de la maladie d’Alzheimer, le volume de l’hippocampe ne changeait pas chez les personnes bilingues tout au long de la progression de la pathologie neurodégénérative.

"Dans le groupe bilingue, le volume cérébral dans la région concernée par la maladie d’Alzheimer était identique chez les adultes âgés en bonne santé, chez ceux qui se trouvaient à l’un des deux stades de risque, et chez ceux qui étaient atteints de la maladie d’Alzheimer, précise Kristina Coulter. Il pourrait donc y avoir une forme d’entretien cérébral lié au bilinguisme."

Cerveau : le bilinguisme stimule les facultés cognitives et sociales

Dans leur communiqué, les chercheuses rappellent que la résilience cérébrale qui protège du déclin cognitif, repose sur 3 éléments :

Le premier est "l’entretien cérébral". Il s’agit de la capacité continue du cerveau à conserver sa forme et ses fonctions à mesure qu’il vieillit. "On estime que la stimulation mentale, comme celle qu’apporte le bilinguisme, ainsi qu’une alimentation saine, une activité physique régulière, un sommeil de qualité et une bonne santé sensorielle contribuent à prévenir la détérioration du cerveau", ajoutent les autrices.

Elles citent ensuite la "réserve cognitive", soit la capacité du cerveau à maintenir ses fonctions par d’autres moyens lorsqu’il a subi des dommages ou un rétrécissement liés au vieillissement.

Le troisième élément est la "réserve cérébrale", soit la taille et la structure du cerveau. "Les cerveaux ayant une plus grande réserve peuvent maintenir des fonctions normales grâce au volume ou à la capacité supplémentaires de la matière cérébrale", indiquent les chercheuses. Lors de leurs travaux, elles n’ont pas trouvé de réserve cérébrale associée au bilinguisme dans les zones du cerveau liées au langage, ni de réserve cognitive dans les zones du cerveau associées à la maladie d’Alzheimer.

"Parler plus d’une langue est l’une des nombreuses façons de stimuler les facultés cognitives et sociales, et donc de contribuer à la santé cérébrale, conclut Natalie Phillips. Notre étude est unique, car elle permet d’examiner les effets potentiels du bilinguisme sur la structure cérébrale à tous les stades de risque de démence, que ce soit chez les personnes normales sur le plan cognitif, chez celles qui présentent un risque plus élevé de développer la maladie d’Alzheimer ou chez celles qui sont atteintes de la maladie."

Kristina Coulter et Natalie Phillips ont prévu de poursuivre leurs recherches pour voir si des effets bénéfiques similaires sont observés avec les polyglottes.