Dans un monde de plus en plus aseptisé, faut-il laisser les enfants jouer dans la saleté pour renforcer leur immunité ? D’après une équipe de chercheurs de la York St John University (Royaume-Uni), l’exposition à la boue – et aux microbes qu’elle contient – pourrait en effet être essentielle pour développer un système immunitaire résilient et ainsi prévenir allergies et maladies auto-immunes. En d'autres termes, ce qui ne les tue pas les rendrait plus forts.
Environnement trop aseptisé, un danger pour la santé ?
"La boue n’est pas qu’un mélange de terre et d’eau : c’est un écosystème complexe de micro-organismes comme les bactéries et les champignons, rappellent les scientifiques dans un article publié dans The Conversation. Un gramme de boue peut abriter jusqu'à 10 milliards de micro-organismes." Cette diversité microbienne est cruciale pour ce que les immunologues appellent l’"éducation immunitaire", c’est-à-dire le processus par lequel le système immunitaire apprend à différencier les agents pathogènes dangereux des substances inoffensives. Durant l’enfance, période où le système immunitaire est le plus adaptable, l’exposition à divers microbes aide justement à trouver et maintenir cet équilibre essentiel entre attaque et tolérance.
Or, la théorie de l’"hypothèse hygiéniste" suggère que la modernité, avec son urbanisation et sa tendance à tout désinfecter, prive aujourd’hui le système immunitaire "des défis microbiens nécessaires à son bon développement" – et ce, dès la petite enfance. Résultat de ce manque d’entraînement : un système immunitaire hypersensible, qui peut réagir excessivement à des substances comme le pollen ou la poussière et provoquer des allergies. Les enfants grandissant dans des environnements très aseptisés seraient ainsi jusqu’à 50 % plus susceptibles de développer des allergies, de l’asthme ou de l’eczéma.
Pire, un manque d’exposition aux microbes en bas âge pourrait également contribuer à l’apparition de maladies auto-immunes, comme le diabète de type 1 ou la sclérose en plaques. Certaines recherches montrent que les enfants vivant dans des habitats riches en microbes, comme des fermes ou des foyers avec des animaux domestiques, présentent moins de risques de développer ces pathologies.
Les bienfaits de la boue sur... l’humeur
Ce n’est pas tout : au-delà de ses bienfaits pour l’immunité, jouer dans la boue offre aux enfants des expériences sensorielles mémorables, stimulant le développement du cerveau et la résilience émotionnelle. Manipuler différentes textures, toucher et sentir la terre sont autant d’activités qui renforcent les compétences sensorielles des enfants et réduisent leur stress. Certaines bactéries présentes dans la boue, comme Mycobacterium vaccae, favoriseraient même la production de sérotonine, un neurotransmetteur lié à la régulation de l’humeur. Des études sur les animaux ont démontré que cette bactérie réduit le stress et l’anxiété, et pourrait avoir des effets similaires chez l’humain.
Afin de rassurer les parents inquiets des risques d’infection liés aux jeux en extérieur, les chercheurs donnent quelques conseils pour garantir une expérience sans risque :
- Choisir des zones propres : optez pour des jardins ou parcs propres, éloignés des déjections animales et produits chimiques.
- S’habiller pour la boue : des vêtements imperméables, comme des bottes et des vestes, facilitent le nettoyage après le jeu.
- Lavage des mains : se laver les mains après le jeu pour éviter l’introduction de bactéries nocives dans le corps, sans éliminer les microbes bénéfiques.
- Répéter l'exposition : une exposition répétée aux microbes est nécessaire pour renforcer le système immunitaire.