"À cause d’un changement climatique fulgurant, les habitants du monde entier font face à des menaces sans précédent sur leur bien-être, leur santé et leur survie." Publié le 29 octobre dernier, le huitième rapport annuel du Lancet Countdown tire, une nouvelle fois, la sonnette d’alarme sur les conséquences dramatiques du dérèglement climatique sur la santé mondiale. Ce document, fruit d’une collaboration entre l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et de nombreux experts, met en évidence des risques sanitaires sans précédent, dus notamment à la montée des températures et à l’expansion des maladies infectieuses.
Une mortalité accrue liée aux fortes chaleurs
Sur les 15 indicateurs clés liés aux effets du climat sur la santé, "dix ont atteint un nouveau record" cette année, avertissent d’emblée les experts. L'augmentation des décès liés à la chaleur est particulièrement inquiétante, surtout parmi les personnes âgées. En 2023, chez les plus de 65 ans, la mortalité due aux fortes températures et aux canicules plus fréquentes et intenses a ainsi grimpé de 167 % par rapport aux années 1990 – elle aurait été de 65 % sans le réchauffement climatique, souligne l’étude. En France, la mortalité liée à la chaleur a bondi de 18 morts pour 100.000 habitants sur la période 2003-2012 à 31 pour 100.000 sur la période 2013-2022, soit 8.840 décès de plus pour un total de quelque 21.000 décès.
Au niveau mondial, les êtres humains ont subi en moyenne 46 jours supplémentaires de chaleur extrême chaque année entre 2019 et 2023, par rapport aux années 1990. "Un chiffre inédit", selon le rapport. Aucun pays n’est épargné, mais ces effets sont amplifiés dans les pays aux faibles indices de développement humain (IDH), où les populations subissent jusqu’à 100 jours supplémentaires de chaleur dangereuse "par rapport à ce qui serait attendu sans changement climatique".
Les maladies infectieuses gagnent du terrain
Le réchauffement climatique favorise également la propagation de maladies infectieuses mortelles, comme la dengue, le paludisme et la vibriose, dans de nouvelles régions du monde. En France, les fluctuations du climat ont notamment permis l'expansion de la leishmaniose, maladie transmise par des insectes appelés phlébotomes. La hausse des températures profite aussi à certaines bactéries : en 2023, 83 pays affichaient des conditions propices à la transmission de vibrions, des bactéries responsables d’infections gastro-intestinales et de graves infections des plaies, avec un risque de septicémie.
"Nous avons mis trop de temps à faire valoir le fait que le réchauffement climatique concerne aussi la santé, reconnaît le médecin en chef de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Jeremy Farrar. La crise climatique est une crise sanitaire. Ce sera le cas en 2050, ce sera le cas au tournant de ce siècle, c’est déjà le cas aujourd'hui."
Une légère baisse de la mortalité due aux particules fines
Les experts dénoncent le soutien persistant aux combustibles fossiles, incompatible avec l’objectif climatique de l’Accord de Paris, pointant du doigt les compagnies pétrolières et gazières pour leur rôle dans cette crise sanitaire mondiale. Ils rappellent qu’en 2022, 84 % des pays continuent de subventionner ces énergies polluantes, pour un montant record de 1.400 milliards de dollars.
Malgré ce sombre constat, le rapport note quelques progrès : une réduction de 6,9 % de la mortalité due aux particules fines entre 2016 et 2021, et une adoption accrue des énergies renouvelables. Les auteurs insistent sur la nécessité d’agir rapidement pour placer la santé au centre des prochaines discussions climatiques, en particulier lors de la COP 29 qui aura lieu à Bakou (Azerbaïdjan) du 11 au 22 novembre. "Les vies perdues à cause du réchauffement climatique ne reviendront pas, mais il existe des opportunités pour éviter d’autres pertes."