Une question douloureuse se pose : face aux effets plus que probables sur la santé du changement climatique, faut-il désespérer ? Pollution de l’air, vagues de chaleur, événements météorologiques extrêmes, mouvements de population, émergence de nouveaux agents pathogènes, autant de catastrophes annoncées et souvent déjà visibles qui nécessitent une véritable révolution sanitaire. Et il y a urgence ! "Les objectifs pour limiter les effets des changements climatiques sont à échéance de 2100, mais si rien ne bouge d’ici-là, tout le monde sera mort !", avertit le Pr Bruno Housset, pneumologue, qui ne cache pas son inquiétude en déplorant que "pas grand-chose ne bouge…".
Les risques sont connus : exacerbation des maladies respiratoires et cardiovasculaires et de certains cancers en raison de la pollution de l’air, circulation plus importante des agents infectieux, désorganisation des systèmes de soins face à des crises aigües liées aux conséquences de l’évolution du climat. "La pandémie de Covid 19 qui a traversé le monde à une vitesse jamais vue l’a clairement illustré", souligne le Pr Aurélien Dinh, spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches.
"Consommer sans limites accroit la production de CO2"
Alors, l’homme qui a su s’adapter et survivre depuis des millénaires à toutes les évolutions de la planète serait-il cette fois impuissant ? La réponse du Pr Housset renvoie justement à nos origines : "Le striatum, notre cerveau profond qui entre en action pour assurer notre survie à travers nos besoins en nourriture, notre reproduction et notre capacité à trouver notre place dans notre environnement est responsable de l’actuelle épidémie d’obésité et d’un consumérisme dont le coût sur a pollution est considérable. Cet instinct qui nous pousse à vivre ainsi, à continuer de consommer sans limites, aboutit à une forte production de CO2 et à ses effets sur la qualité de l’air et le réchauffement climatique … Nous avons dévoyé ce qui était nécessaire à notre survie !". "Le citoyen est responsable de la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui à travers son mode de vie", confirme le Pr Aurélien Dinh.
Résultat très concret pour la France : 90% de sa population respire actuellement un air pollué. Outre ses effets sur la santé respiratoire et cardiovasculaire, les nanoparticules qu’il contient et qui passent dans le sang sont des facteurs de troubles thrombotiques et de vecteurs pour certains agents infectieux, comme cela a été démontré pour le Covid.
Une urbanisation plus respectueuse de la qualité de l'air
Quelles solutions face à ce défi sur notre santé et celle des générations à venir ? "On paie aujourd’hui la production de CO2 de nos grands-parents, pour nos petits-enfants, cela va être encore plus compliqué !", avertit le Bruno Housset qui avance toutefois un espoir : "Ce sur quoi nous pouvons agir, c’est sur les effets de la pollution, notamment en contrôlant mieux la qualité de l’air intérieur, et en faisant travailler les professionnels de santé avec tous ceux qui aménagent notre environnement, l’urbanisation, par exemple, est un élément clé pour tenter de réduire la pollution".
Sur les effets du changement climatique sur le risque de maladie infectieuses, là encore des actions sont possibles. "La vaccination est une arme efficace, tous comme l’innovation qui permet déjà, dans certains pays du sud, d’intervenir sur des vecteurs de virus ou de bactéries, comme les expériences faites sur des moustiques qui ont permis de les empêcher de transmettre la dengue dont on trouve aujourd’hui déjà des cas autochtones en France", explique le Pr Aurélien Dinh.
Sensibiliser les professionnels de santé sur les effets du changement climatique
Autres moyens de prévention, une sensibilisation des professionnels de santé, une meilleure information des populations et un développement de l’éducation des patients sur les bonnes pratiques et même sur l’observance de leurs traitements : "Dans l’asthme souvent lié à la pollution de l’air, le taux d’observance est à peine de 50%...", s’alarme le Pr Housset.
Mais dans tous les cas, et les deux médecins sont formels sur ce point, "chacun, individuellement, doit s’engager dès maintenant !". Et, face au constat également partagé d’une certaine inaction politique, partout dans le monde, ils affichent aussi une raison d’espérer : "Cela risque d’empirer malgré les quelques mesures que l’on va prendre… Mais aujourd’hui, les jeunes naissent avec cette préoccupation".