- La dyslexie, souvent perçue comme une difficulté, pourrait en réalité enrichir la recherche académique grâce à la créativité et aux compétences en raisonnement visuel-spatial des personnes dyslexiques.
- Ces chercheurs pensent différemment, créant des liens inédits entre concepts et offrant des perspectives nouvelles. Or, le cadre académique rigide, basé sur des normes linéaires et formelles, limite ces talents.
- En valorisant davantage la neurodiversité, l'académie pourrait bénéficier de contributions uniques pour relever des défis complexes, montrant ainsi que la dyslexie est un atout sous-estimé pour la recherche.
La dyslexie est souvent perçue comme un simple trouble de la lecture, entraînant des difficultés à déchiffrer des mots ou à éviter des erreurs d’orthographe. Mais, plus qu'un obstacle, la dyslexie pourrait s'avérer un atout unique en recherche, en proposant une pensée créative et des capacités de raisonnement visuel-spatial sous-évaluées dans le monde académique. C’est du moins ce qu’affirme le professeur Edward Ademolu, du King's College de Londres, dans un article publié dans The Conversation.
La dyslexie, un atout pour la recherche académique
"Les esprits dyslexiques ont une façon différente de penser qui leur donne parfois un avantage concurrentiel", explique le spécialiste, lui-même atteint de dyslexie. Ils se distinguent en effet par leur créativité et leur capacité à visualiser des concepts dans l’espace, à identifier des schémas et à établir des liens entre des idées apparemment sans rapport. Ces compétences leur permettent d’aborder les problèmes sous des angles inattendus et de proposer des solutions innovantes, un atout essentiel dans le domaine de la recherche. En sciences humaines, par exemple, où l’analyse qualitative se concentre sur les récits et les expériences, ces forces peuvent aider à creuser des problématiques plus complexes, avec "un traitement plus holistique".
Reste que le monde académique peine à valoriser les esprits dyslexiques : il privilégie encore une approche linéaire, valorisant la rapidité de lecture et d’écriture, la précision des détails et une organisation méthodique. "Le milieu universitaire est conçu pour les personnes qui pensent en ligne droite, pas en boucle", résume Edward Ademolu. Résultat, celles-ci ne sont pas limitées par leur capacité à saisir des concepts abstraits, mais par des détails formels, tels que l’orthographe et le formatage, qui les empêchent souvent de se conformer aux normes académiques. "C'est à ce moment-là que j'ai réalisé : peut-être que le problème n'est pas moi. C'est peut-être le système."
Valoriser la neurodiversité pour une recherche plus riche
La perception de la dyslexie dans le milieu académique reste souvent influencée par le modèle du handicap, qui considère la dyslexie comme un "déficit personnel à compenser". Accorder du temps supplémentaire pour les examens ou proposer des correcteurs d’orthographe sont donc les solutions fréquemment mises en place. Or, selon le Pr Ademolu, le problème n’est pas dans la manière dont pensent les personnes dyslexiques, mais dans les barrières culturelles et institutionnelles qui ignorent cette diversité cognitive. Par exemple, une réduction de la dépendance aux évaluations écrites pourrait permettre aux esprits dyslexiques de s’exprimer via des supports visuels, des formats multimédias ou des projets collaboratifs.
Pour véritablement profiter des talents dyslexiques, l’académie doit dépasser la "simple inclusion" et adopter une "compétence culturelle" qui embrasse les multiples formes de pensée. Cela implique non seulement d’accepter les différences, mais aussi de les valoriser en adaptant les structures de l’enseignement et de la recherche, avec des approches plus créatives et diversifiées.