- Une méta-analyse montre que des personnes en bonne santé ayant reçu de faibles doses d'agents immunostimulants développent des symptômes dépressifs temporaires.
- Les réponses inflammatoires liées au stress peuvent déclencher les cellules immunitaires cérébrales, mais un stress prolongé finit par l'épuiser et l'endommager, ce qui entretient ou aggrave la dépression.
- Ces résultats indiquent qu’une approche personnalisée du traitement, c’est-à-dire "en fonction du profil inflammatoire spécifique du patient", peut s'avérer plus efficace qu'un traitement antidépresseur traditionnel unique.
Au cours des 30 dernières années, des preuves substantielles se sont accumulées à l'appui de l'hypothèse selon laquelle le dérèglement des processus inflammatoires joue un rôle essentiel dans la pathophysiologie de la dépression. Le professeur Raz Yirmiya a été l'un des premiers chercheurs à établir des associations entre le dysfonctionnement du système immunitaire et la dépression dans les années 1990.
Dépression : un lien mécanique entre l'inflammation et l'humeur
Dans le cadre de sa dernière étude, il a retracé l'évolution des recherches mettant en avant ce lien, en discutant des résultats clé : "les altérations des marqueurs inflammatoires associés à la dépression, les changements d'humeur à la suite de l'administration exogène de défis inflammatoires, les propriétés anti-inflammatoires des antidépresseurs traditionnels et les effets antidépresseurs prometteurs des médicaments anti-inflammatoires." En outre, le scientifique a exploré la manière dont les processus inflammatoires interagissent avec des régions cérébrales et des systèmes neurochimiques spécifiques pour conduire au trouble dépressif.
Pour les besoins de ces travaux, publiés dans la revue Brain, Behavior, and Immunity, le professeur et son équipe ont passé en revue 100 études expérimentales les plus citées sur le sujet, créant ce qu'il appelle une "vue panoramique" des interactions complexes entre l'inflammation et les symptômes dépressifs. L’analyse a permis d'établir un lien mécanique entre l'inflammation et l'humeur, en montrant que des personnes en bonne santé auxquelles on avait injecté de faibles doses d'agents immunostimulants présentaient des symptômes dépressifs temporaires. Cet état pouvait être évité par des traitements anti-inflammatoires ou des antidépresseurs classiques.
Le stress prolongé peut épuiser les cellules immunitaires cérébrales
Autre constat : les réponses inflammatoires liées au stress, qui est souvent l'un des principaux déclencheurs de la dépression, peuvent initialement activer la microglie (à savoir une population de cellules du système immunitaire inné, spécifiques du système nerveux central). Cependant, un stress prolongé finit par l'épuiser et l'endommager, ce qui entretient ou aggrave la dépression. "Ce cycle dynamique d'activation et de dégénérescence de la microglie reflète la progression de la dépression elle-même", a déclaré Raz Yirmiya.
L’étude a mis également en évidence des cohortes qui suggèrent que des groupes spécifiques, tels que les personnes âgées, les adultes atteints de maladies physiques, les patients ayant souffert d'adversité dans leur enfance et les patients présentant une dépression résistante aux traitements, étaient particulièrement susceptibles de souffrir de dépression liée à l'inflammation.
Dépression : "adapter le traitement en fonction du profil inflammatoire spécifique du patient"
D’après les auteurs, ces données révèlent la nécessité de traitements anti-inflammatoires pour certains patients et de traitements stimulant la microglie pour d'autres personnes. "À l'avenir, une approche de médecine personnalisée, c’est-à-dire adapter le traitement en fonction du profil inflammatoire spécifique du patient, offre un espoir à des millions de malades qui ne trouvent que peu de soulagement dans les thérapies standard. En adoptant ces avancées, nous ne nous contentons pas de traiter les symptômes, nous nous attaquons aux causes sous-jacentes", a conclu le professeur.