À quelques jours du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, Santé publique France a publié un bulletin épidémiologique hebdomadaire qui dresse un état des lieux sur l’infection à VIH, sa prévention, son dépistage et sa prise en charge dans le pays.
Grâce aux traitements antirétroviraux et à l’avancée de la médecine, il est possible aujourd’hui d’être séropositif au VIH, sans développer le sida. Pourtant, une étude menée par les chercheurs de l’agence de santé publique révèle qu’un nombre encore assez important de personnes qui se savent infectées par le virus, ne prennent pas ces médicaments et développent la maladie.
Sida : 18 % des malades se savaient séropositifs avant le diagnostic
Pour avoir le profil des personnes ayant développé le sida en France, l’équipe a repris les données de la déclaration obligatoire de la maladie récoltées de 2012 à 2023. Environ 11.300 cas de sida ont été enregistrés sur cette période. "Le nombre estimé de diagnostics de sida a diminué de 2012 (environ 1.200 cas) jusqu’en 2020 (environ 750), et fluctue depuis entre 800 et 900 cas par an", précisent les auteurs dans leur article.
Et si le sida a longtemps été vu comme une maladie concernant surtout les jeunes, l’étude confirme que toutes les classes d’âge doivent se montrer prudentes. En effet, la part des 50 ans et plus a progressé passant de 32 % en 2012 à 46 % en 2023. L’âge médian au moment du diagnostic de sida était de 45 ans. La contamination était survenue dans près des deux tiers des cas (63 %) lors de rapports hétérosexuels.
Autre constat inquiétant : si la majorité des diagnostics de sida (62 %) sont survenus chez des personnes ignorant leur séropositivité avant les résultats, 18 % des patients avaient connaissance de leur infection à VIH, mais ne prenaient pas d’antirétroviraux (ARV). Ces malades séropositifs non-traités étaient majoritairement des hommes (65 %). Ils avaient connaissance de leur infection depuis une période médiane de 7,5 ans (9,3 ans pour les personnes nées en France et 5,8 ans pour celles nées à l’étranger).
Prévention du sida : “toucher les plus éloignés du système de santé”
Dans un éditorial qui accompagne le bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France, Hugues Cordel de l’Hôpital Avicenne et de la Société française de lutte contre le sida, s’inquiète des chiffres concernant les découvertes d’infections par le VIH qui ne vont “pas dans le bon sens”.
"Le nombre de ces dernières [découvertes d’infections, ndlr] augmente et cela ne peut être expliqué par un taux de dépistage qui, en 2023, a atteint un niveau record en France. Même chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes nés en France, la baisse des nouveaux diagnostics n’est plus observée, alors même qu’elle était continue depuis plus de dix ans", déplore-t-il.
Pour lui, le taux élevé de diagnostic de sida chez des individus ignorant leur séropositivité montre qu’il reste encore des efforts importants de prévention et de sensibilisation, car "il reste des personnes que les programmes de dépistage n’arrivent pas à atteindre". Par ailleurs, "l’observation d’une part non-négligeable de diagnostics de sida chez des personnes connaissant leur séropositivité, mais non traitées par ARV, montre qu’un renforcement du lien au soin reste nécessaire pour une partie des découvertes de séropositivité" estiment les chercheurs dans leur rapport. "Le plus grand enjeu est donc de toucher les plus éloignés du système de santé, reliant prévention et soin", conclut Hugues Cordel.