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Placebo

Spasfon : pourquoi son efficacité est de nouveau remise en cause ?

Par Stanislas Deve

Dans la revue Prescrire, le célèbre médicament antispasmodique Spasfon est une nouvelle fois suspecté de ne pas être d’une grande efficacité contre la plupart des troubles qu'il est censé traiter, voire de ne pas être plus actif qu'un placebo.

artwell / istock
La revue Prescrire estime que le Spasfon n’apporte rien de plus qu’un placebo, sauf pour certains troubles intestinaux bénins où son efficacité reste modeste. Malgré cela, il est encore remboursé, représentant un coût de 14 millions d’euros en 2023.
Les critiques pointent une évaluation scientifique insuffisante et des risques rares mais graves d’effets secondaires.
Le médicament, prescrit surtout aux femmes, soulève aussi des questions d’éthique et un possible "biais de genre", selon les chercheurs.

Prescrit pour soulager des spasmes digestifs, urinaires, biliaires ou gynécologiques, le Spasfon est omniprésent dans les pharmacies françaises. Déjà sur la sellette en 2023 avec la parution du livre Pilules roses : De l’ignorance en médecine de Juliette Ferry-Danini, enseignante-chercheuse à l’université de Namur (Belgique), ce médicament à base de phloroglucinol est de nouveau épinglé, ce mardi 26 novembre, par la revue médicale Prescrire, relayée par l'AFP.

Le Spasfon, pas plus efficace qu’un placebo ?

Si le médicament, commercialisé par le laboratoire Teva, ne figure pas parmi les 88 traitements commercialisés à proscrire, c’est parce que "son efficacité est au mieux modeste dans les troubles intestinaux bénins récurrents", mais sans certitude à ce stade. C’est uniquement ce doute qui le sauve, dans la mesure où le bilan 2025 de Prescrire recense les médicaments plus dangereux qu’utiles dans toutes les situations dans lesquelles il est autorisé.

Or, "dans les autres situations cliniques, qu’elles soient urinaires, gynécologiques, biliaires ou digestives, il n’y a rien à attendre du phloroglucinol au-delà de l’efficacité d’un placebo", selon la revue médicale. Le cœur du problème résiderait dans l’évaluation scientifique du Spasfon : les auteurs critiquent une "évaluation indigente" des études cliniques, avec des données limitées ou absentes pour plusieurs de ses troubles.

En dépit de ces incertitudes, le médicament continue d’être remboursé, à hauteur de 15 % dans certains cas, notamment les douleurs liées aux règles. En 2023, près de 26,5 millions de boîtes ont été remboursées par l’Assurance Maladie, pour un coût avoisinant 14 millions d’euros.

Les effets secondaires potentiellement graves du Spasfon

La revue, citant la référence médicale du Vidal, met en garde également contre des effets secondaires potentiellement graves du Spasfon, bien que rares : réactions allergiques, œdème de Quincke, voire choc anaphylactique. Elle affirme qu’il faut tout particulièrement éviter de prendre du Spasfon quand on est enceinte, ou qu’on projette de le devenir.

Le laboratoire Teva, de son côté, assure que "les connaissances sur l’efficacité de ces médicaments sur les spasmes d’origines diverses reposent sur une utilisation en recherche clinique depuis plusieurs décennies".

Pour la chercheuse Juliette Ferry-Danini, le Spasfon pose un problème d’éthique médicale. Elle qualifie son usage de "gâchis d’argent" et souligne un "biais de genre", car ce médicament est majoritairement prescrit aux femmes, notamment pour les douleurs menstruelles, sans preuve tangible d’efficacité. "C’est quand même fou qu’on continue à donner ce qui s’apparenterait peut-être à un placebo aux patients."