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Témoignage patient

Thérapie génique : “Si les filles vont bien et sont en pleine forme, c’est grâce à l’AFM-Téléthon”

Par Sophie Raffin

Si les petites jumelles Marley et Mylane sont aujourd’hui des bébés d’un an en pleine forme et remuante, c’est grâce à l’AFM-Téléthon qui a mis en place le dépistage ayant permis de détecter leur maladie neuromusculaire appelée amyotrophie spinale, et financé le traitement génique administré avant même l’apparition des premiers symptômes. Leur papa Théo raconte leur histoire.

©Mathieu Génon / AFM-Téléthon
Marley et Mylane sont nées le 2 octobre 2023 en Nouvelle-Aquitaine. Dans le cadre d'un programme pilote, elles ont ainsi pu bénéficier à leur naissance d'un nouveau dépistage réalisé uniquement dans cette région et dans le Grand Est.
Il a révélé qu'elles souffraient d'amyotrophie spinale infantile, une maladie neuromusculaire génétique rare qui se caractérise par une faiblesse musculaire progressive.
Les bébés ont pu bénéficier d'une thérapie génique qui leur a évité de développer la maladie.

Les petites jumelles Marley et Mylane, nées le 2 octobre 2023, ont pu bénéficier d’un dépistage et d’une thérapie génique révolutionnaire pour soigner leur maladie génétique rare, appelée amyotrophie spinale. Mais à 200 km près, leur histoire aurait pu être toute autre.

"À l’échographie, on s’est rendu compte qu’il y avait deux bébés"

Tout a commencé en début d’année 2023. Leurs parents Mégane et Théo, originaires de Charente-Maritime, venaient tout juste de quitter leurs proches pour s’installer à Nantes pour des raisons professionnelles, lorsqu’un test de grossesse s’est révélé positif. “On avait déjà parlé d’un projet bébé, mais nous ne l’avions pas prévu pour tout de suite. On venait tout juste de déménager. Toutefois, on ne s'est pas vraiment posé de question. C’était une évidence et on s’est lancé dans le projet”, se souvient Théo.

Et très rapidement, une seconde surprise attendait les futurs parents. "À la première échographie, on s’est rendu compte qu’il y avait deux bébés. Étant donné que nous étions seuls à Nantes sans famille ou amis et sans expérience de la parentalité, nous nous sommes tout de suite dit qu'avec deux bébés, nous devions vite déménager avant la naissance pour revenir chez nous, près de nos proches. Nous avions bien conscience qu'on allait avoir besoin d’un coup de main."

Ensuite, tout s'est fait rapidement, le couple qui avait découvert la grossesse le 14 février, a quitté Nantes en juillet pour retourner dans sa région natale. Les petites jumelles Marley et Mylane ont pu voir le jour à Rochefort en Charente-Maritime le 2 octobre 2023 près de leur famille. “Et c’est là que nous avons eu beaucoup de chance”, assure le jeune papa.

Dépistage Depisma : “L'avenir des filles aurait été tout à fait différent”

Pourquoi Théo voit cette différence de près de 200 km comme une bénédiction ? En naissant dans la région de la Nouvelle-Aquitaine, les jumelles ont pu bénéficier du programme Depisma lancé par l’AFM-Téléthon.

"Il propose le dépistage de l'amyotrophie spinale. À l'époque, il était proposé uniquement en Nouvelle-Aquitaine et dans le Grand Est dans le cadre d’une expérimentation qui avait commencé courant 2023, se souvient le jeune papa. Sachant que Mégane a accouché en octobre 2023, si on était resté à Nantes, on ne nous aurait pas proposé ce dépistage. Et, l'avenir des filles aurait été tout à fait différent."

Ce dépistage qui devrait être nationalisé courant 2025, n’était pas obligatoire. "Au début, avec Mégane, nous n'étions pas forcément pour... parce qu’on n’avait pas bien compris en quoi cela consistait. Une sage-femme nous a donc expliqué en détails en quoi cela consistait. Elle nous a dit que l'équipe médicale prend juste une petite goutte de sang en plus prise lors du test de Guthrie. Il n'est pas invasif et pas dangereux pour les bébés. On s’est alors dit : si on peut faire avancer la recherche, autant le faire."

Et cette décision, au-delà d’aider la science, a sauvé la vie de leurs filles. Le test a révélé, en effet, qu’elles souffraient toutes les deux de la maladie qu'il sert à détecter : l’amyotrophie spinale infantile. Il s’agit d’une maladie génétique rare qui touche les neurones moteurs entraînant une atrophie progressive des muscles ; ce qui impacte les capacités motrices et la fonction respiratoire de l’enfant. Cette pathologie concerne une naissance sur 6.000 à 10.000.

Maladie génétique : “On a essayé de rester, autant que possible, positifs”

La jeune famille avait quitté la maternité depuis deux jours lorsqu’un appel les a averti que des tests supplémentaires allaient être nécessaires. "L’appel provenait de l’hôpital de Bordeaux qui était en charge des analyses du test Depisma, on a donc vite compris que cela avait un lien avec l'amyotrophie spinale."

Comme beaucoup de monde aujourd’hui, le premier réflexe de Théo et de Mégane a été d’aller chercher des informations sur cette maladie dont ils n’avaient jamais entendu parler, sur Internet. "Sur Internet, on ne parle pas de traitement. On voit que la forme développée de la maladie, c'est plutôt moche. Donc, forcément, on a commencé à avoir peur. Même si on a essayé de rester, autant que possible, positifs en se disant : on ne sait pas."

Le couple et leurs deux petites filles se sont rendus à Bordeaux dès le lendemain. Accueillis par le docteur Espil-Taris, ils ont eu confirmation que les jumelles monozygotes étaient atteintes toutes les deux de cette pathologie génétique potentiellement grave. "Elle a expliqué qu’il existe quatre formes de la maladie, classées en fonction de la gravité : type 1, type 2, type 3, type 4, allant du plus sévère au moins sévère. Elle a ajouté qu’il fallait faire des examens complémentaires pour savoir de quel type les filles étaient atteintes. En fonction des résultats, on pourrait éventuellement envisager un traitement."

Amyotrophie spinale infantile : "la thérapie génique consiste en une injection unique"

Cette annonce a été un véritable coup de massue pour les jeunes parents dont les bébés avaient à peine 15 jours. "On s’est raccroché à l’espoir, tout en restant dans une attente assez compliquée à gérer. En effet, on en avait fait le choix, à ce moment-là, d'en parler à personne, ni à nos familles, ni à nos amis. On voulait vraiment attendre les résultats et savoir ce qu'il en était concrètement, avant d’en parler pour ne pas faire peur à tout le monde."

Quelques jours plus tard, le diagnostic est tombé. Il s'agissait d’une amyotrophie spinale de type 2. Si c’est l’une des formes les plus graves, la bonne nouvelle était qu’un traitement était disponible.

"On nous a expliqué qu'il y avait deux traitements. Le premier consiste en une injection dans la moelle osseuse réalisée tous les quatre mois tout au long de la vie. Le second est une thérapie génique. Il s’agit d’une injection unique. Cela consiste à se débarrasser du gène défaillant qui fait qu'elles sont malades, en leur réintroduisant le gène correct grâce à un virus."

Pour bénéficier de ce nouveau traitement, les patients ne doivent pas avoir d’anticorps. "D'où l'importance du timing du dépistage. Plus elles sont petites, moins il y a de risques qu’elles aient développé des anticorps". Les tests menés si rapidement après leur naissance ont bien confirmé qu’elles pouvaient bénéficier de la thérapie génique.

Les choses s'enchaînent alors très rapidement pour la petite famille : il faut rentrer et faire les valises en vue d’une hospitalisation pour une “durée indéterminée” et prévenir les proches des problèmes de santé de Marley et Mylane.

Thérapie génique : "On s'était fait un film sur ce traitement, mais c’était tout simple"

Les jumelles sont opérées à tour de rôle pour la pose de la voie centrale par laquelle l’injection de thérapie génique sera administrée. "On s'était fait un film sur ce traitement. Cependant, c’était tout simple. Le produit a été introduit tout doucement via la voie centrale pendant que les petites faisaient la sieste. En quelques minutes, c’était fait", se souvient Théo.

Après l’injection, une phase d'observation a débuté. Les professionnels de santé surveillaient les filles pour s’assurer qu’il n’y avait pas de complications avec le traitement. "Au bout d'une semaine, ils ont dû faire une transfusion aux filles. Mais ce n'était pas dû au traitement, mais aux examens. Elles présentaient une baisse d'hémoglobine en raison des nombreuses prises de sang réalisées pour les tests. C’étaient de tout petits bébés donc c’était logique que cela entraîne cette baisse."

"Le séjour à l'hôpital a été une période assez étrange. Cela nous a paru à la fois très long et à la fois très rapide. Nous avions une chambre pour nous 4, avec l’ordre d’avoir le moins de passage possible, même du corps médical. Toujours dans le but que les filles n’attrapent pas quelque chose et qu’elles ne développent pas d'anticorps avant que le traitement ne fasse effet. Nous étions comme dans une bulle coupée du monde. D’autant plus qu’il y avait une grosse tempête à cette époque. Cela était vraiment une bulle à part."

Au fil des jours, toutes les analyses et tous les tests réalisés étaient encourageants. Les jumelles ont ainsi été autorisées à sortir de l'hôpital début novembre, soit au bout de deux semaines d'observation. 

AFTM-Téléthon : "Les filles ont le développement moteur classique des bébés de leur âge"

Si les résultats et l'équipe médicale de Bordeaux se montraient très positifs, il a fallu un peu plus de temps à Mégane et Théo pour taire leurs craintes. Heureusement, les premières séances de kinésithérapie, débutées dès le mois de janvier, ont permis de les tranquilliser un peu sur la santé des jumelles.

"Les kinés nous ont rassurés tout de suite. Ils disent que tout est OK. Les filles grandissent "normalement". Elles ont le développement physique et moteur classique des bébés de leur âge", confie le papa. Et les rendez-vous à Bordeaux - d’abord organisés tous les mois, puis espacés au fur à mesure de la confirmation des bons résultats - sont tout aussi réconfortants. Tous les indicateurs montrent pour le moment que la thérapie a fonctionné sur Marley et Mylane. 

"La semaine dernière, nous sommes retournés pour le bilan des un an après le traitement. Il s’agissait d’une journée de tests complets. Et tout est parfait a priori. Le développement moteur est bon, les muscles réagissent et se développent bien. On a rendez-vous à nouveau dans six mois. Toutefois, on ne fera qu’un bilan kiné. Le gros check-up peut attendre un an d'après les médecins", se réjouit Théo.

"Même si on se rend compte qu’elles se développent bien... Elles font toutes les deux du 4 pattes, elles cherchent toutes les deux à se mettre debout, elles attrapent des choses sur la table basse, leur développement est parfait... Mais on est soulagé quand ce sont les médecins qui le disent."

Thérapie génique : "On est très rassuré par l’efficacité visible du traitement"

Tête qui tient toute seule, retournement ventre/dos, position assise, quatre pattes, position debout, marche… Théo reconnaît que tous les acquis de ses filles ont une saveur particulière. “La joie du jeune parent qui voit son enfant passer les grandes étapes "moteur", est presque noyée dans le suivi de la maladie. À chaque étape, on est souvent plus rassuré que joyeux. On est heureux, bien évidemment, mais on est souvent plus rassuré que juste à notre joie. C’est assez étrange.”

Toutefois, le jeune couple ne regarde pas ses enfants avec un œil médical. "On ne considère pas nos filles comme malades. Pour nous, grâce à la thérapie génique, elles ne le sont plus. Bien que je ne suis pas certain qu’on puisse le dire comme ça, d’un point de vue médical."

En France, Mylane et Marley sont les 2e et 3e enfants à avoir bénéficié de la thérapie génique pour stopper l’amyotrophie spinale. Le premier enfant à avoir reçu le même traitement que les filles, n’a que 5 ans. "Il y a peu de recul encore, souligne le jeune papa, mais on est très rassuré par l’efficacité visible du traitement."

"On ne peut donc pas savoir ce que cela donnera dans 10, 15 ou 30 ans. On aura sûrement toujours une petite méfiance à long terme, reconnaît Théo. Cependant, au quotidien, on est rassuré et on sait apprécier la chance incroyable que l’on a eue dans cette histoire."

Recherche : "Notre histoire reflète bien tout le combat de l’AFM-Téléthon"

Conscients du rôle essentiel de l’AFM-Téléthon dans les avancées médicales qui ont permis d’offrir une vie “normale” à leurs filles, Théo et Mégane n’ont pas hésité à accepter d’endosser le rôle de famille ambassadrice pour cette édition 2024 du Téléthon qui se tient ces 29 et 30 novembre.

"Notre histoire reflète bien tout le combat de l’AFM. Les filles sont la preuve concrète que quand les dépistages et les traitements sont faits à temps ça marche, cela sauve des vies."

Si ces filles ont déjà bénéficié des avancées financées et portées par l’association, Théo rappelle que ce n’est pas la fin de la bataille pour la vie. “Il y a encore beaucoup de travail, car il y a encore d’autres maladies que l'amyotrophie spinale à guérir. Il faut aussi parvenir à généraliser et à développer les tests et dépistages. Il est donc essentiel de continuer d’aider l’AFM-Téléthon dans le combat contre les maladies rares et génétiques.”

Les dons et l'engagement sont, en effet, le moteur des victoires de l’AFM-Téléthon. Vous pouvez aider l'association, les chercheurs et les familles en appelant le 36 37 ou en vous rendant sur son site.