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Cancer de la peau

Mélanomes, carcinomes : “L’IA n’a pas vocation à remplacer le dermatologue, elle agit comme un assistant précieux”

Par Youssra Khoummam

Diagnostiquer un cancer de la peau sans biopsie, c’est désormais une réalité grâce à la société française Damae Medical.

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Grâce au microscope deepLive™, les dermatologues peuvent poser un diagnostic immédiat et fiable sans passer par une biopsie. Cela réduit les cicatrices, le stress des patients et les coûts pour le système de santé.
Dermatologue au CHU de Saint-Étienne, le Pr. Perrot a été le premier à tester deepLive™. Son expertise a permis d’adapter la technologie aux besoins des praticiens, tout en réduisant le recours aux biopsies invasives.
Cofondatrice de Damae Medical, Anais Barut a imaginé un outil révolutionnaire qui associe microscopie 3D et IA pour transformer le diagnostic des cancers de la peau, offrant une alternative rapide et non invasive.

Fondée il y a dix ans par Anaïs Barut et David Siret, cette startup a développé un microscope révolutionnaire, le “deepLive™”, qui permet de visualiser en 3D les tissus de la peau à l’échelle cellulaire. L'objectif : éviter les prélèvements invasifs tout en améliorant la précision des diagnostics.

"Traditionnellement, un dermatologue douteux face à une lésion suspecte doit effectuer une biopsie. C’est un processus long, coûteux et stressant pour les patients", explique Anaïs Barut. "Dans 90 % des cas, la biopsie révèle que la lésion est bénigne. Cela représente un gaspillage de ressources et une cicatrice inutile pour le patient."

Avec le deepLive™, le diagnostic est immédiat et non invasif. Grâce à cette technologie, les dermatologues peuvent identifier en direct les mélanomes et carcinomes, les deux types majeurs de cancers cutanés. "L’instantanéité change tout", ajoute-t-elle.

Un double enjeu : mieux diagnostiquer et limiter les interventions

Pour le mélanome, la priorité est de ne manquer aucun cas tout en réduisant le nombre de biopsies inutiles. Aujourd’hui, 10 à 20 lésions sont enlevées pour trouver un seul mélanome. Le carcinome, qui est moins agressif mais très fréquent, pose une autre problématique : déterminer si un traitement non invasif, comme une crème, est suffisant, ou si une chirurgie est nécessaire.

Le Professeur Jean-Luc Perrot, dermatologue au CHU de Saint-Étienne et l'un des premiers utilisateurs du deepLive™, ne cache pas son enthousiasme : "C’est une véritable révolution dans notre pratique. Avec cet outil, je peux analyser en profondeur une lésion, et surtout, prendre une décision sur-le-champ. Cela change la donne, en particulier pour les carcinomes, où l’on peut désormais éviter des biopsies inutiles dans la majorité des cas.

Le spécialiste insiste également sur l’utilité de l’outil pour les chirurgies : "Lorsqu’un carcinome est plus profond et nécessite une intervention, le deepLive™ m’aide à tracer précisément les marges de la tumeur. Cela limite le prélèvement de tissu sain, ce qui est crucial pour des zones sensibles comme le visage. On parle ici de millimètres qui peuvent faire toute la différence pour le patient, esthétiquement et fonctionnellement."

En effet, cette précision réduit le taux de réintervention, qui peut atteindre jusqu’à 25 % dans certains cas. "C’est particulièrement précieux dans les cas où chaque millimètre compte, comme sur une paupière ou près d’une oreille", précise-t-il.

L’intelligence artificielle en renfort 

Damae Medical ne s’arrête pas là. La société vient de franchir une nouvelle étape en intégrant l’intelligence artificielle avec le lancement de deepLive™ AI, un assistant diagnostic. Anaïs Barut explique : "Nous avons collecté et analysé plus de 600.000 images pour entraîner nos algorithmes. Aujourd’hui, cette IA permet même à des dermatologues novices d’atteindre le niveau de performance de praticiens ayant deux ans d’expérience avec notre technologie."

L'IA ne se contente pas de donner un score : elle génère une "carte d'attention" en temps réel, colorant les zones suspectes sur les images. "Cela offre une transparence totale et permet au dermatologue d'interpréter les résultats en fonction du contexte du patient", précise-t-elle.

Le Professeur Perrot, ayant participé au processus de validation de l’IA, partage son avis sur son rôle : "L’IA n’a pas vocation à remplacer le dermatologue, elle agit comme un assistant précieux, surtout pour les praticiens moins expérimentés. Par exemple, elle met en évidence des zones suspectes sur lesquelles je peux concentrer mon attention. Cela sécurise le diagnostic et me permet de gagner du temps tout en maintenant un haut niveau de précision." Puis il ajoute : "Ce que j’apprécie le plus, c’est la possibilité de déléguer certaines tâches, comme la prise d’images, à des assistants médicaux. Cela nous libère du temps pour nous concentrer sur l’analyse et le dialogue avec le patient. C’est un changement profond dans la gestion de nos consultations."

Un modèle qui pourrait transformer la pratique médicale

Avec des performances diagnostiques de 96 % en sensibilité et spécificité, cette technologie s’avère particulièrement utile pour les dermatologues libéraux, qui représentent 70 % de la profession en France : "C’est une solution qui combine innovation et accessibilité. Elle s’inscrit dans une vision globale de la médecine, où l’intelligence artificielle accompagne mais ne remplace jamais l’humain", conclut le professeur Perrot.