- Le fructose n’alimente pas directement les tumeurs : le foie le transforme en lipides spécifiques, utilisés par les cellules cancéreuses pour croître.
- Ces découvertes, testées sur des modèles animaux, ouvrent la voie à des traitements ciblant le métabolisme du foie plutôt que les tumeurs elles-mêmes.
- Face à l’omniprésence du fructose dans les aliments transformés, réduire sa consommation pourrait devenir une stratégie préventive, en attendant de nouvelles avancées thérapeutiques.
La consommation de fructose, un sucre naturellement présent dans les fruits mais également ajouté dans la plupart des aliments ultra-transformés, a explosé ces dernières décennies. En cause notamment, le sirop de maïs à haute teneur en fructose, qui en contient entre 55 % et 90 %. Et ce n’est pas sans conséquences sur la santé : une nouvelle étude menée par l’Université Washington de Saint-Louis (Etats-Unis) révèle un lien inquiétant entre ce sucre et la progression de certains cancers.
Le foie, complice involontaire des tumeurs
Dans le cadre de leurs travaux, publiés dans Nature, les chercheurs ont d’abord mesuré les effets d'un régime riche en fructose sur des modèles animaux atteints de cancer, et notamment la vitesse à laquelle leurs tumeurs se sont développées. Ils ont découvert que l'ajout du sucre favorisait la croissance tumorale sans changer le poids corporel, le taux de glucose à jeun ou les niveaux d'insuline à jeun. "Nous avons été surpris de voir que, dans certains cas, le taux de croissance des tumeurs a été multiplié par deux, voire plus", notent les scientifiques dans un communiqué.
Mais le fructose n’est pas l’ennemi direct : c’est le foie qui joue un rôle clé. Contrairement à ce que les chercheurs attendaient, les cellules cancéreuses n’utilisent pas directement le fructose pour se développer. L’équipe a découvert que le foie transforme le fructose en nutriments spécifiques, les lysophosphatidylcholines (LPCs), que les tumeurs utilisent pour croître. Ces lipides, solubles dans le sang, servent de "briques" pour construire les membranes cellulaires des cellules cancéreuses, indispensables à leur prolifération.
"Les cellules cancéreuses préfèrent souvent 'emprunter' des lipides à leur environnement plutôt que de les fabriquer elles-mêmes", résument les chercheurs. Ce mécanisme, observé sur des modèles animaux atteints de mélanome, de cancer du sein et du col de l’utérus, pourrait s’appliquer à de nombreux types de cancers. "Ils suivent tous le même mécanisme."
Quelles implications pour la lutte contre le cancer ?
Les auteurs voient dans cette découverte une double opportunité : sensibiliser à l’impact du fructose sur la santé et développer des traitements innovants. "Nous pourrions cibler non pas les cellules cancéreuses directement, mais les cellules saines qui nourrissent les tumeurs", expliquent-ils. Cette approche, testée avec succès sur des souris, pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements et même à des essais cliniques.
En attendant, le message est clair : limiter le fructose dans son alimentation pourrait être une stratégie préventive, particulièrement pour les personnes atteintes de cancer. Mais, comme le rappellent les chercheurs, "c’est plus facile à dire qu’à faire", tant il est omniprésent dans les rayons des supermarchés, aux Etats-Unis surtout mais aussi en France. "Presque tout en contient. Ce ne sont pas seulement les confiseries et les gâteaux, mais aussi des aliments comme les sauces, la vinaigrette et le ketchup. À moins que vous ne cherchiez activement à l'éviter, le fructose fait probablement partie de votre alimentation."