Si l’âge est un facteur de risque important de nombreux cancers, les professionnels de santé remarquent que passé 80 ans, le taux d’incidence commence à décroître à nouveau.
Des chercheurs du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSK) ont mis en lumière ce phénomène et les mécanismes en jeu. Leur étude a été publiée dans la revue Nature, le 4 décembre 2024.
Cancer : en vieillissant, les cellules font comme si elles n’avaient plus de fer
Pour comprendre la baisse de l’incidence du cancer à un âge avancé, les chercheurs ont observé des souris génétiquement modifiées pour développer un adénocarcinome du poumon. Il s’agit d’un type de cancer du poumon responsable de près de 7 % de tous les décès par cancer dans le monde.
L’équipe a ainsi remarqué qu'à mesure que les rongeurs vieillissent, ils fabriquent davantage d'une protéine appelée NUPR1. Or, un taux élevé de cette dernière conduit les cellules des poumons à fonctionner comme si elles étaient déficientes en fer.
"Les cellules vieillissantes ont en fait plus de fer, mais pour des raisons que nous ne comprenons pas encore pleinement, elles fonctionnent comme si elles n'en avaient pas assez", explique le premier auteur de l’étude, Xueqian Dr. Zhuang.
Si l’origine du phénomène reste mystérieuse, les cellules qui agissent comme si elles étaient en carence de fer, perdent une partie de leur capacité à se régénérer. “Et parce que cette capacité de régénération est directement liée à la montée du cancer, les souris plus âgées ont développé beaucoup moins de tumeurs que leurs homologues plus jeunes”, précisent les auteurs dans leur communiqué.
Les cellules pulmonaires des souris âgées retrouvaient leur capacité de régénération lorsqu’on leur donnait des suppléments de fer ou en réduisant la quantité de NUPR1 dans leurs cellules.
"Nos expériences sur des souris ont montré que l’administration de fer peut aider les poumons à se régénérer, et nous disposons de très bons moyens d’administrer des médicaments directement aux poumons, comme les inhalateurs pour l’asthme", indique l’auteur principal Tuomas Tammela. Toutefois, il reconnaît qu’il faudrait être prudent avec ce type de traitement. En effet, restaurer la capacité des cellules des poumons à se régénérer grâce à un apport en fer, risque d'accroître le risque de développer un cancer, a montré l’étude.
"Ce type d’approche pourrait donc ne pas convenir aux personnes qui présentent un risque élevé de développer un cancer", ajoute-t-il.
Traitement du cancer : il faut faire attention à l’âge des patients
Face à ces résultats, les chercheurs remarquent que les thérapies basées sur un type de mort cellulaire appelé ferroptose pourraient ne pas être adaptées aux patients les plus âgés. En effet, le fer libre intracellulaire est au centre de ce traitement. Ainsi, les cellules plus âgées - qui fonctionnent comme si elles n'avaient pas assez de fer - risquent d'être beaucoup plus résistantes à la ferroptose que les plus jeunes. Cela fait avancer aux chercheurs que les traitements liés à la ferroptose peuvent ne pas être aussi efficaces chez les patients âgés, et qu'il faut ainsi être vigilant à l'âge des malades.
"Pour nous, cela dit que puisque la biologie des cellules change avec le vieillissement, la sensibilité aux médicaments change également. Les médecins pourraient donc avoir besoin d'être vraiment prudents dans les essais cliniques, par exemple, pour examiner les effets sur les patients plus âgés et plus jeunes", précise le Dr. Zhuang.
"Ce que nos données suggèrent en termes de prévention du cancer, c'est que les événements qui se produisent lorsque nous sommes jeunes sont probablement beaucoup plus dangereux que les événements qui se produisent plus tard. Donc, empêcher les jeunes de fumer, de bronzer ou d'autres expositions cancérigènes évidentes est probablement encore plus important que nous ne le pensions", ajoute par ailleurs le Dr Tammela.
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