- Une épidémie de choléra à Mayotte en 2024, causée par une souche de Vibrio cholerae résistante à dix antibiotiques, a touché 221 personnes et causé cinq décès.
- Cette souche, identifiée au Yémen en 2018, s'est propagée au Liban, Kenya, Tanzanie et Comores avant d'atteindre Mayotte, révèle une étude. Sa résistance complique les traitements, menaçant l'efficacité des antibiotiques disponibles.
- L’épidémie à Mayotte, maîtrisée par la vaccination de 35.000 personnes, met en lumière l’urgence de renforcer la surveillance mondiale pour prévenir les antibiorésistances.
Entre mars et juillet 2024, l’île de Mayotte a été le théâtre d’une épidémie de choléra qui a touché 221 personnes et causé sept décès. Mais cette flambée n’était pas anodine : elle était provoquée par une souche de Vibrio cholerae hautement résistante aux antibiotiques. Cette souche, identifiée pour la première fois au Yémen lors d’une épidémie en 2018-2019, a depuis voyagé, touchant successivement le Liban en 2022, le Kenya en 2023, puis la Tanzanie et les Comores avant d’atteindre Mayotte en 2024.
C’est ce long parcours qu’ont retracé des chercheurs du Centre National de Référence des Vibrions et du Choléra à l'Institut Pasteur, en collaboration avec le Centre hospitalier de Mayotte. Leurs travaux ont été publiés mercredi 11 décembre dans le New England Journal of Medicine.
Une résistance qui complique les traitements
Dans ses formes les plus graves, le choléra, une maladie infectieuse diarrhéique, peut tuer en quelques heures en raison de pertes massives d’eau et d’électrolytes. Le traitement repose sur une réhydratation intensive complétée par des antibiotiques pour réduire la durée de la maladie et freiner sa propagation. Or, cette souche, appelée "AFR13 7PET", se distingue par sa résistance à dix antibiotiques, dont deux parmi les trois préconisés pour traiter le choléra : l’azithromycine et la ciprofloxacine.
"Cette étude met en évidence le besoin de renforcer la surveillance mondiale de l’agent du choléra, et en particulier de pouvoir connaître son comportement vis-à-vis des antibiotiques en temps réel. Si cette nouvelle souche venait à acquérir une résistance supplémentaire à la tétracycline, cela compromettrait tout traitement antibiotique par voie orale", alerte le Pr François-Xavier Weill, responsable du Centre National de Référence des Vibrions et du Choléra et auteur principal de l’étude.
Les leçons de l’épidémie à Mayotte
Les chercheurs ont pu retracer la dissémination de la souche grâce à l’analyse des génomes bactériens. Celle-ci met en lumière la nécessité d’une surveillance accrue de cette bactérie, dont les mutations rapides pourraient entraîner des conséquences dramatiques. Cette étude insiste sur l’importance de surveiller en temps réel la résistance aux antibiotiques pour adapter rapidement les stratégies de traitement.
Si l’épidémie de Mayotte a pris fin en octobre 2024, grâce à une vaccination massive (35.000 personnes) et une prise en charge efficace des malades, elle rappelle la fragilité des systèmes de santé face à des agents pathogènes en évolution constante. À l’échelle mondiale, ces événements soulignent l’urgence de renforcer les moyens de prévention, d’améliorer l’accès à l’eau potable et de développer de nouveaux antibiotiques.