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Enquête

L'addiction, une maladie et une souffrance dont l'expansion inquiète les Français

Par Thierry Borsa

Face à la multiplication des cas d'addiction, les Français, à travers un sondage, montrent qu'il s'agit pour eux d'une véritable maladie et qu'ils refusent de stigmatiser ceux qui en souffrent. Et ils attendent une amélioration de sa prévention et de sa prise en charge.

iStock/rez-art
Trois Français sur quatre voient l'addiction comme une véritable maladie.
Ils manifestent de l'empathie pour la souffrance des personnes victimes d'une addiction.
64% des personnes interrogées estiment que l'Etat prend mal en compte le sujet des addictions.

Une mauvaise nouvelle : l’addiction, quelle que soit sa forme, tabac, alcool, drogue, sexe ou jeu serait en pleine expansion en France selon près de huit Français sur dix et pour 85% des praticiens. Mais aussi une bonne nouvelle : non seulement les Français sont lucides sur la réalité de ce problème mais surtout ils refusent de stigmatiser les personnes qui souffrent d’addictions et ont même une véritable empathie pour la souffrance qu’elles génèrent. Voici les deux très grands enseignements d’une enquête réalisée par Harris Interactive pour Addict’AIDE, un portail de prévention et de soutien pour tous ceux qui souffrent de conduites addictives.

"Cette enquête montre une vraie maturité des Français sur la question des addictions", confirme le Pr Amine Benyamina, psychiatre addictologue et président d’Addict’AIDE.

L’addiction, une maladie en pleine expansion

Des Français certes matures, qui considèrent pour les trois quarts d’entre-eux que l’addiction est en fait une véritable maladie, … mais surtout inquiets puisque, au-delà de juger que cette maladie est en pleine expansion (77%), une large majorité pense qu’elle peut toucher n’importe qui et qu’il est malheureusement, pour près de neuf sur dix des personnes interrogées, très difficile d’y mettre fin.

L’autre sujet de préoccupation que soulignent les résultats de cette enquête est que le risque d’addiction est jugé particulièrement élevé chez les jeunes, notamment les jeunes hommes urbains, et souvent lié à l’arrivée de nouveaux produits comme les drogues de synthèse ou le protoxyde d’azote et de nouvelles pratiques addictives comme les écrans et le chemsex.

Et, sans surprise, les Français estiment que le profil des personnes touchées par l’addiction est celui de personnes psychologiquement fragiles (88%), influençables (85%), souffrant de solitude (74%) ou ayant des antécédents familiaux de dépendance.

La difficulté d’admettre que l’on souffre d’addiction

Face à ces constats, la question se pose de savoir comment aider ou traiter ceux qui souffrent de cette maladie alors qu’une large majorité des personnes interrogées (84%) estiment que "l’on ne se rend pas forcément compte soi-même lorsqu’on est atteint d’une addiction" et que reconnaître la maladie et accepter d’être aidé "constitue la principale difficulté pour mettre en place une prise en charge".

Un phénomène aggravé par une autre constante dans les cas d’addiction, la difficulté d’en parler. La moitié de ceux qui souffrent de cette maladie déclarent en effet "avoir gardé cela pour eux" en pensant être capables de s’en sortir seuls. Voilà ce qui illustre un certain manque d’information sur ce sujet s’accompagnant d’idées reçues comme le fait qu’il existerait des drogues dures mais aussi des drogues douces (76%) ou que boire un verre de boisson alcoolisée par jour "est bon pour le cœur"…

Une prise en charge insatisfaisante des différents aspects des addictions

Si plus d’une moitié des Français juge toutefois que les addictions "sont mieux prises en charge que par le passé", ils estiment aussi insatisfaisante (59%) la prise en compte et le traitement des différents aspects liés aux addictions, notamment le nombre de professionnels de santé capables d’intervenir sur cette maladie ou l’aspect financier d’une prise en charge.

Et, selon les résultats de cette enquête, le grand responsable de cette faiblesse dans la prise en charge des victimes d’addiction est…  l’Etat. Pour 64% des Français et pour 79% des praticiens (!) ce problème de santé est "mal pris en compte par les pouvoirs publics" malgré des mesures comme l’interdiction de certains produits pour les mineurs ou le contrôle de plus en plus fréquent de l’usage de substances psychoactives au volant.

S’ils sont sévères vis-à-vis de l’action des pouvoirs publics, les Français ont tout de même une bonne connaissance des acteurs et des outils de prévention et de traitement de l’addiction. Cures de sevrage, associations de soutien, lignes d’écoute sont connues par 80% des personnes interrogées. Et malgré la difficulté d’accepter de souffrir de cette maladie et la tentation du repli sur soi, les structures qui sont jugées comme les mieux adaptées pour la traiter sont les consultations en addictologie à l’hôpital.

L’attente d’un renforcement de la prévention de l’addiction

Mais les Français, face à l’expansion du fléau de l’addiction, attendent avant tout une augmentation du nombre de structures et de professionnels de santé spécialisés et le renforcement de la prévention. Quant aux professionnels de santé eux-mêmes, ils souhaiteraient en grande majorité (74%) un accès rapide au dépistage et aux traitements et… une augmentation des prix des produits addictifs. Des mesures qui, effectivement, doivent impliquer les pouvoirs publics dans la résolution de ce qui est en train de devenir un véritable problème de santé publique.

Enquête réalisée en ligne du 29 octobre au 8 novembre 2024. Échantillons : 3 010 personnes représentatif des Français de 16 ans et plus ; et 213 professionnels de santé, (104 médecins généralistes, 54 addictologues et 55 psychiatres et psychologues) Méthode des quotas et redressement selon le sexe (Français et généralistes), l’âge (Français et généralistes), catégorie socioprofessionnelle (Français) et région (Français et généralistes).