La controverse s'enlise. Doctolib, la plateforme de prise de rendez-vous médicaux, a annoncé fin novembre la création prochaine d'un espace personnel de santé permettant de collecter toutes les données d’un patient. Une nouvelle qui a suscité une vive polémique car, selon ses détracteurs, la fonctionnalité concurrencerait directement "Mon espace santé", de l’Assurance Maladie, relancé par l’Etat en 2022.
Le risque de "privatisation" du carnet de santé numérique ?
L’objectif affiché de Doctolib est d’encourager les patients à déposer sur sa nouvelle application leurs résultats médicaux, leurs ordonnances, à renseigner leurs antécédents, leurs traitements, leurs allergies, leur carnet de vaccination… Cela doit permettre de faciliter le travail des soignants, clients de la plateforme aux 50 millions d’inscrits en France, mais aussi d’envoyer des messages de prévention personnalisés.
Dans la foulée de l’annonce, la Délégation du numérique en Santé (DNS), rattachée au ministère de la Santé et chargée justement de réguler les usages des acteurs numériques de la santé, s’est fendue d’une tribune pour critiquer le risque de "privatisation" du carnet de santé numérique. "Il ne s’agit pas de privatiser le 'carnet de santé numérique' ou de créer un autre coffre-fort numérique", s’est défendu le cofondateur de Doctolib, Stanislas Niox-Château, dans les colonnes du Monde. "Nos logiciels sont les premiers contributeurs de la plateforme publique 'Mon espace santé'."
"Au lieu de favoriser les solutions qui marchent, on nous met des bâtons dans les roues. C’est tellement bête !", s’emporte un autre cadre de Doctolib au micro de France Inter. "On décourage un acteur privé qui cartonne et qui, en plus, veut travailler main dans la main avec l’Etat."
L’Assurance Maladie s’inquiète
Si la DNS plaide aujourd’hui des "erreurs de communication" autour de cette tribune, du côté de l’Assurance Maladie, on s’inquiète tout de même de cette offre de Doctolib. "Elle semble très proche de ce que propose 'Mon espace santé', explique Thomas Fatôme, son directeur général, au Monde. Le lieu de référence de l’hébergement des données de santé, c’est le service public, avec 'Mon espace santé', c’est un choix du législateur, et il y a une vraie ambiguïté à en proposer un autre."
Le risque, pour nombre de médecins, est celui du doublon, c’est-à-dire qu’on en vienne à prioriser l’application Doctolib sur l’outil créé par l’Etat, avec toutes les garanties de confidentialité que cela implique. Le patron de l’Assurance Maladie dit attendre une "clarification" de la part de Doctolib, car "il ne doit pas y avoir concurrence".