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Santé des femmes

#MeToo en santé : briser le silence, un combat collectif

Par Youssra Khoummam

Blagues sexistes, violences persistantes, hiérarchies masculines : lors des états généraux du collectif Femmes de Santé, les femmes ont dénoncé ces dérives et réclamé des réformes culturelles et structurelles.

Atlas studio/istock
Porté par des initiatives comme celles du collectif Femmes de Santé, le mouvement #MeToo en santé pointe les violences systémiques et propose des solutions, comme des dispositifs de signalement renforcés et des campagnes d’éducation.
Malgré une féminisation marquée (60 % des nouveaux étudiants en médecine sont des femmes), les données montrent que près de 48 % des femmes médecins ont subi des violences sexistes pendant leurs études.
Des études récentes confirment qu'une meilleure diversité dans les équipes médicales améliore la prise en charge des patients, renforçant ainsi l'urgence de bâtir une médecine plus "inclusive et équitable".

Le mouvement #MeToo, en déferlant sur le monde du travail, a atteint les hôpitaux et les laboratoires, révélant des décennies de sexisme ordinaire et de violences banalisées. Pour Audrey Bramly, interne en anesthésie-réanimation et membre du syndicat des internes de Paris, la situation est alarmante :
« En un mois, j’ai reçu plus de 20 témoignages écrits d’internes dénonçant des faits de harcèlement sexuel, et 10 % concernaient des viols. »

La violence est systémique. Elle se manifeste dans les rapports hiérarchiques, les propos sexistes, et même dans les parcours de carrière des femmes : « On demande encore à une femme chirurgienne comment elle compte concilier son métier avec une grossesse, comme si l’ambition professionnelle et la maternité étaient incompatibles », détaille Maïssa Boukerrou, présidente du syndicat des internes en médecine générale de Paris.

Un “plafond de verre” tenace

Malgré leur forte présence parmi les étudiantes en médecine, représentant 60 % des effectifs, les femmes rencontrent encore des difficultés à accéder à certaines spécialités comme la chirurgie ou l'anesthésie, où des barrières culturelles et professionnelles subsistent.

François Jolin, anesthésiste-réanimateur et consultant en santé, a évoqué la culture patriarcale encore bien ancrée dans l’hôpital : « Les comportements de domination s’auto-entretiennent, surtout dans un système où les carrières se déroulent dans les mêmes structures pendant des décennies. »

Le plafond de verre, évoqué par plusieurs intervenantes, n’est pas uniquement visible à l’hôpital. Nathalie Delphin, chirurgienne-dentiste et présidente du syndicat des femmes chirurgiennes-dentistes, dénonce la discrimination dans le secteur libéral : « Les banques me refusaient des prêts pour ouvrir mon cabinet, car j'étais une femme, donc un ‘risque’. »

Des violences minimisées mais omniprésentes

La conférence a également pointé du doigt les violences sexistes et sexuelles, qui commencent dès la formation médicale. Selon une enquête récente, 48 % des femmes médecins ont été victimes de violences sexistes pendant leurs études.

Pour Isabelle Lonjon, ancienne universitaire et aujourd’hui directrice médicale chez Roche, l’inaction face aux signalements est particulièrement préoccupante : « Les dispositifs existants doivent garantir l’anonymat et la sécurité des victimes, mais aussi punir efficacement les agresseurs. Aujourd’hui, ce n’est pas encore le cas. »

Les intervenants ont fait remarquer la nécessité de changer de paradigme : inverser le rapport de force pour que ce soient les agresseurs, et non les victimes, qui aient peur des conséquences.

Les solutions : former, prévenir, et responsabiliser

Parmi les initiatives innovantes évoquées, Sofia Lopez, directrice développement RH chez MGEN, a présenté un plan national de lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel.

Ce plan inclut : une campagne de sensibilisation (les affiches des « petits canards ») pour marquer les esprits, une formation obligatoire pour tous les collaborateurs sur les agissements sexistes, un dispositif de signalement anonyme et de suivi.

Dans l’industrie pharmaceutique, Charlotte Scordia-Warenbourg, directrice communication chez Amgen, a partagé une approche tout aussi audacieuse : une campagne interne provocante, jouant sur des « médicaments fictifs » comme Méga Sexitab ou Homophobite, pour dénoncer les remarques et comportements toxiques en entreprise. « C’était un choc visuel qui a permis d’ouvrir le dialogue, même avec ceux qui ne voulaient pas entendre parler de ces sujets », explique-t-elle.

Vers une médecine plus égalitaire

Le débat s’est conclu sur une note d’espoir et d’action. Nathalie Delphin a rappelé que les avancées sont possibles : « Nous avons obtenu que les femmes enceintes ne puissent plus être licenciées dans le libéral. Cela montre que lorsque nous nous mobilisons, les choses bougent. »

Chaque intervenante a livré un conseil aux nouvelles générations :