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Apprentissage

Comment l’abus d’alcool altère la flexibilité cognitive du cerveau

Par Stanislas Deve

La consommation excessive d’alcool compromet certaines fonctions essentielles du cerveau, comme la flexibilité cognitive, perturbant ainsi nos facultés d’apprentissage et d’adaptation, selon des chercheurs.

Ekaterina Chizhevskaya / istock
Des chercheurs ont découvert que l’abus d’alcool perturbe les schémas de décharge "explosion-pause" des interneurones cholinergiques (CINs) du striatum, qui régulent la libération d’acétylcholine, un neurotransmetteur crucial pour l’adaptation.
L’altération de ces schémas compromet des processus clés comme l’apprentissage inversé, essentiel pour s’adapter à de nouvelles situations.
Cette recherche ouvre des pistes pour restaurer ces dynamiques et développer des thérapies ciblant les troubles cognitifs liés à l’abus d’alcool.

Les troubles liés à la consommation d’alcool touchent environ 400 millions de personnes dans le monde, engendrant des maladies graves telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires, hépatiques et les accidents vasculaires cérébraux. Outre ces conséquences physiques, l’alcoolodépendance perturbe profondément les fonctions cognitives essentielles, notamment la flexibilité cognitive, indispensable pour apprendre, mémoriser et s’adapter.

Dans une étude publiée dans la revue Science Advances, des chercheurs du Texas A&M College of Medicine, aux Etats-Unis, ont récemment mis en lumière l’impact de l’alcool sur les voies de signalisation neuronales, en se concentrant sur les interneurones cholinergiques (CINs) du striatum, le cœur du système de récompense.

Les CINs, gardiens du système de récompense

Les interneurones cholinergiques régulent la libération d’acétylcholine, un neurotransmetteur clé. Ils jouent un rôle crucial en filtrant les stimuli qui activent les neurones à dopamine, moteur du système de récompense. D’après l’étude, les CINs agissent comme des gardiens, modulant les réponses dopaminergiques aux stimuli.

Dans des modèles animaux exposés à l’alcool, les scientifiques ont observé une altération significative du modèle "explosion-pause" (burst-pause) des CINs. Normalement, ce schéma comporte une décharge rapide suivie d’une pause, élément essentiel à l’apprentissage et à l’adaptation. Or, l’exposition chronique à l’alcool réduit et affaiblit ces pauses, compromettant des processus clés comme l’apprentissage inversé (reversal learning).

L’apprentissage inversé, un pilier de la flexibilité cognitive

L’apprentissage inversé consiste à désapprendre des comportements lorsque les règles ou circonstances changent. Ce processus repose fortement sur le signalement par l’acétylcholine, perturbé par l’alcool. En combinant des outils comme l’optogénétique et la photométrie à fibres, les chercheurs ont exploré les rôles distincts des phases "explosion" et "pause". La phase "explosion", augmentant la libération d’acétylcholine, favorise l’extinction d’anciens comportements. La phase "pause", en diminuant cette libération, est cruciale pour remplacer ces comportements par de nouveaux, un élément décisif pour l’adaptation.

Cette étude offre des perspectives prometteuses pour cibler les dérèglements liés à l’alcoolodépendance. En rétablissant les dynamiques "burst-pause" des CINs, il pourrait être possible d’améliorer la flexibilité cognitive et d’atténuer les troubles causés par l’alcool. "Ces mécanismes jouent un rôle clé dans l’adaptabilité comportementale", soulignent les chercheurs dans un communiqué. Ils prévoient de poursuivre leurs travaux pour comprendre comment ces dynamiques influencent également d’autres conditions, telles que le vieillissement et les maladies neurodégénératives.