L’obésité, une maladie profondément injuste et qui le reste. Une étude, publiée ce 14 janvier dans la revue de l’Académie américaine des Sciences, PNAS, constate que les inégalités socio-économiques atteignent aussi la lutte contre l’obésité. Si le nombre d’obèses tend à se stabiliser dans le pays, le mal continue de progresser fortement chez les plus défavorisés. Les classes plus riches ou mieux éduquées, elles, voient le taux reculer légèrement.
Alimentation pauvre, activité physique faible
En France, le bilan est très proche de celui des Etats-Unis. Le surpoids touche un tiers des adultes, l’obésité 15% d’entre eux selon les données ObEpi-Roche 2012. En tenant compte du revenu des individus, de profondes disparités apparaissent. 8% des adultes qui gagnent 3 800€ ou plus par mois sont obèses. Lorsque le salaire mensuel est inférieur à 1 200€, ce taux est trois fois plus élevé.
Le mode de vie est le premier coupable de l’obésité, et il est très influencé par le niveau de vie. C’est le cas aux Etats-Unis où 9% des foyers américains les plus pauvres n’ont pas accès à un supermarché à moins de 1,5 km. En France, les habitudes de vie sont plus souvent à blâmer. Alimentation peu variée – trop chargée en sucres et en graisses – et activité physique trop faible, tels sont les maux des classes défavorisées. Interrogé par pourquoidocteur, le Dr Jean-Michel Borys, endocrinologue et responsable du programme EPODE (1), fait la lumière sur les grandes disparités entre les catégories sociales.
Ecoutez le Dr Jean-Michel Borys, endocrinologue à Armentières (Nord) et responsable d'EPODE International Network : « Quand on analyse les différences entre les classes sociales, on se rend compte qu'elles portent sur l'alimentation, l'activité physique mais aussi le manque de sommeil. »
L’échec des politiques nationales
A cause du manque de structures sportives ou de parcs, les quartiers démunis ont plus de mal à lutter contre l’obésité. Le niveau culturel ne doit pas non plus être oublié rappelle le Dr Borys : « Un polytechnicien au chômage aura a priori un comportement alimentaire plus sain qu'une personne à faible niveau d'éducation qui gagne au Loto. » Ce n’est pourtant pas faute de tenter de changer les habitudes. En 2001, le Programme National Nutrition Santé (PNNS) est lancé. Il veut faire reculer l’obésité à coups de conseils alimentaires et de promotion de l’activité physique. La méthode est efficace, mais n’atteint pas sa première cible : les milieux défavorisés.
Des initiatives locales plus efficaces
Les campagnes locales d’éducation alimentaire ou sportive rencontrent quant à elles bien plus de succès. En 2008, à Fleurbaix et Laventie (Nord), une étude d’intervention est menée par le Dr Borys. Elle applique le programme EPODE, en proposant une éducation alimentaire aux enfants via l’école, puis via la communauté. Dans les deux villes, l’obésité a fortement diminué, y compris dans les classes défavorisées. Lorsque l’expérience s’achève, le taux d’obèses est presque deux fois moins élevé dans cette catégorie que la moyenne nationale (15,2% versus 26,9%). La ville est clairement l’espace à privilégier en matière de lutte contre l’obésité selon le Dr Borys.
Ecoutez le Dr Jean-Michel Borys, endocrinologue : « C’est au niveau de la ville qu’on a le plus d’impact direct sur les habitudes de vie : sur l’offre d’activité physique, sur l’alimentation des enfants. »
Le point fort de ces mesures : elles ne ciblent pas l’obésité, mais ses facteurs (alimentation, activité physique). La ville de New York rencontre le même succès en combattant la malbouffe. L’obésité a reculé dans les quartiers pauvres sous le mandat de Michael Bloomberg. La ville de Strasbourg (Bas-Rhin) choisit d’innover : elle opte pour le « sport sur ordonnance » pour les patients obèses, diabétiques ou malades du cancer. En un an, ce sont plus de 300 personnes, diabétiques ou obèses qui se sont vus prescrire du sport pour leurs médecins. Un succès incontestable puisque plus de la moitié des patients qui ont bénéficié de ce dispostif venaient de quartiers défavorisés, et pas moins de 70% ne savaient ni nager, ni faire du vélo.
(1) EPODE (Ensemble Prévenons l’Obésité Des Enfants) : Initiative de prévention de l’obésité infantile à l’échelle d’une ville. Ce programme, mis en place depuis 2004, éduque les enfants à manger plus varié et à pratiquer plus d’activité physique. Il a notamment été expérimenté à Fleurbaix et Laventie. Il s’intitule aujourd’hui VIF (Vivons en Forme) et concerne 250 communes.