Elle dégrade la santé, le bien-être mais aussi souvent l’estime de soi et, parce que le regard des autres est le plus impitoyable des miroirs, elle est même considérée comme une des dernières formes de discrimination. Mais l’obésité, un mal qui touche plus de 16 % de la population en France et qui augmente à un rythme rapide, est avant tout un problème de santé publique. C’est ce que démontre une étude menée à l’initiative de la Ligue contre l’obésité publiée dans la revue Journal of Clinical Medicine.
L’obésité, une véritable maladie avec de graves comorbidités
Le surpoids, c’est en effet une véritable maladie, même si elle a longtemps eu du mal à être considérée comme telle, qui s’accompagne de redoutables comorbidités, diabète, maladies cardiovasculaires, problèmes articulaires et, évidemment, souffrances psychologiques. Les causes de l’obésité, caractérisée par un indice de masse corporelle supérieur à 30, sont complexes. Ce sont essentiellement des troubles du comportement alimentaire, la sédentarité, d’autres facteurs environnementaux comme le stress psycho-social ou la pollution, mais aussi une susceptibilité génétique.
Et il lui manquait jusqu’ici une véritable prise en charge. Il y a bien les régimes alimentaires qui font maigrir, en général moyennement efficaces et parfois désespérants : l’effet yo-yo qui les accompagne entraîne fréquemment une reprise de poids dès qu’ils s’arrêtent. Et puis, en dernier recours, il y a la chirurgie bariatrique, une intervention qui a démontré son efficacité mais qui reste souvent limitée aux cas les plus extrêmes.
"Des effets que l’on n’avait jamais vus avant"
Heureusement, aujourd’hui tout peut changer. De nouvelles molécules promettent des résultats spectaculaires et cette fois sans les effets secondaires qui ont diabolisé les prescriptions de certains coupe-faim. Basées sur l’action d’hormones fabriquées par l’intestin en combinaison avec d’autres molécules, sémaglutide (Wegovy) et tirzépatide (Mounjaro) produisent dans la prise en charge de l’obésité "des effets que l’on n’avait jamais vus avant", comme le souligne le Pr Karine Clément, professeur de nutrition à la Pitié-Salpêtrière. Une véritable "révolution thérapeutique", selon elle, même si ces médicaments doivent toujours être prescrits en association avec une modification de l’alimentation et une activité physique régulière.
Leur action repose sur deux leviers, un ralentissement de la vidange gastrique et des effets liés au fonctionnement du cerveau, la satiété et le circuit de la récompense. Résultat, des pertes de poids chez les personnes traitées de 10 à 15 % par an avec le sémaglutide et pouvant même aller jusqu’à 22 % pour le tirzépatide.
Le coût de l’obésité en France : 20 milliards d’euros par an
"Un tournant majeur dans la prise en charge de l’obésité", comme le souligne le Pr Karine Clément… mais qui risque de creuser les inégalités de santé : si la prescription de ces deux médicaments est autorisée dans l’indication du traitement de l’obésité à partir d’un IMC supérieur à 35, leur remboursement par l’Assurance Maladie hors cas d'obésité "sévère" n’est pas encore d’actualité.
Or, si la facture globale de l’obésité s’élève en France à 20 milliards d’euros par an, ces traitements coûtent eux aussi très cher : environ 300 euros par mois avec la nécessité de les prendre à vie puisque, comme le souligne Karine Clément, "l’obésité est une maladie chronique et lorsque l’on arrête des traitements on enregistre une reprise de poids dans 70 % des cas". Un vrai sujet, surtout lorsque l’on sait que l’obésité est plus fréquente dans les catégories sociales défavorisées. Une étude datant de 2020 souligne que la prévalence de l’obésité est de 18 % chez les ouvriers, 17,8 % chez les employés et seulement 9,9 % chez les cadres.
Une révolution médicale face aux enjeux médico-économiques
"On ne peut pas mettre sous le tapis les enjeux médico économiques", rappelle Karine Clément. Alors, notre système de santé va-t-il se saisir, quoi qu’il en coûte, de cette révolution médicale et la rendre plus facilement et équitablement accessible ? Il ne s’agit pas de soulager les victimes d’embonpoint. Il s’agit de traiter ce qui pourrait devenir le mal du siècle.