- Le médecin-chef des Etats-Unis propose un étiquetage sur les bouteilles d'alcool pour alerter sur le risque de cancer.
- Pour certains spécialistes, cela pourrait changer la norme et les regards sur la consommation d'alcool.
- Mais il y a un risque de contournement par les entreprises et de rejet par la population, si le message est trop culpabilisant.
Des étiquettes sur les bouteilles pour alerter sur les risques de cancer liés à l’alcool. Le Dr Vivek Murthy, l’administrateur de la santé publique aux États-Unis et médecin chef, a fait cette recommandation le 3 janvier dernier. Dans un article, plusieurs experts de l’université Northeastern, située dans le Massachusetts, débattent de l’efficacité d’une telle mesure.
Alcool et cancer : changer le regard sur les boissons alcoolisées
Pour ces spécialistes, un étiquetage sur les risques de cancer pourrait déclencher des discussions au sujet de l’alcool et de sa consommation. Pour Richard A. Daynard, professeur de droit à l'université de Northeastern et président du Public Health Advocacy Institute, cela pourrait dissuader certaines personnes de prendre un deuxième verre de vin, ou même les aider à ne pas boire du tout. "L'introduction de l'étiquette pourrait déclencher un débat public, estime-t-il. Il pourrait y avoir un effet de contagion, un changement des normes sociales, si un nombre suffisant de personnes le prenaient au sérieux." Cette mesure pourrait aussi aider les jeunes non-buveurs, qui peuvent être jugés sur leur non-consommation. "Si la norme change - et que d'autres boissons ou activités deviennent la norme - cela pourrait avoir un impact important", considère l’avocat.
Des doutes sur l’efficacité des étiquettes pour alerter sur le risque de cancer lié à l’alcool
Mais tous les spécialistes ne partagent pas cet avis. Chad O'Connor, expert en marketing, est pessimiste. "Je pense qu'il est peu probable que l'on assiste à une baisse significative de la consommation si l'on ne dispose pas d'images et d'avertissements percutants, prévient-il. Par exemple, les paquets de cigarettes sur lesquels figurent des photos de poumons noircis par des années de tabagisme sont plus efficaces que de dire que fumer provoque le cancer." Il craint aussi que les fabricants d’alcool contournent la nouvelle règle pour continuer à vendre leurs produits. "S'ils sont obligés d'apposer un avertissement, ils essaieront de le faire de manière à attirer le moins possible l'attention et à se démarquer le moins possible, à moins qu'il n'existe une réglementation claire sur la manière de procéder", alerte-t-il.
Cancer et alcool : des comportements difficiles à changer
Richard A. Daynard soulève une autre crainte : celle que le message d’avertissement devienne "un parmi tant d’autres". Le président du Public Heat Advocacy Institute estime que certaines personnes, face aux nombreux messages de prévention, risquent de se dire : "Tout est dangereux, alors pourquoi ne pas l'oublier et vivre un peu". Pour Elizabeth Glowacki, experte en communication sur la santé, il est primordial de ne pas être trop culpabilisant. "Il est important que les messages ou les campagnes ne se contentent pas de dire aux gens d'arrêter de boire, car selon la théorie de la réactance, les gens n'aiment pas qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire ou qu'on restreigne leur liberté, explique-t-elle. Ils peuvent finir par faire le contraire et, dans certains cas, s'engager dans des formes encore plus extrêmes ou dangereuses de ce comportement."