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Cancer

Virus HPV : un retard cumulé de 2 millions de non-vaccinées chez les 20-26 ans

Par Sophie Raffin

La Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico-Vaginale (SFCPCV) profite de son congrès annuel pour rappeler l'importance de la vaccination contre le HPV à l'adolescence dans la lutte contre le cancer.

Manit Chaidee/istock
À fin 2023, la couverture vaccinale contre le HPV est de 54 % chez les jeunes filles pour une dose et de 25 % pour les garçons.
Les médecins de la SFCPCV rappellent que l'efficacité de ce vaccin contre les cancers induits par le virus HPV est établie, démontrée, non-discutable.
Plus la vaccination est faite tôt, plus les risques de cancer du col de l'utérus ou de lésions pré-cancéreuses sont réduits.

Cancer du col de l’utérus, mais aussi ORL, de l’anus, du pénis ou encore de la vulve et du vagin… Toutes ces pathologies sont induites par des papillomavirus humains. Aussi bien pour les femmes que les hommes, la vaccination - de préférence avant 14 ans - est l’un des moyens les plus efficaces pour prévenir ces maladies.

Si ce message a été largement entendu dans de nombreux pays européens comme le Royaume-Uni, l’Espagne ou l’Italie, il reste encore assez diffus en France au vu de sa couverture vaccinale. La Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico-Vaginale (SFCPCV) a profité de son 48e congrès national organisé du 9 au 11 janvier 2025 à Montrouge pour rappeler l’importance du vaccin anti-HPV et son efficacité.

Cancer du col de l'utérus : plus on vaccine tôt, plus le vaccin est efficace

La quasi-totalité des personnes sexuellement actives seront infectées à un moment de leur vie par le papillomavirus humain. “À partir du premier rapport sexuel jusqu’à l’âge de 30 ans, 30 % des femmes d’une tranche d’âge peuvent être porteuse d’un virus. Ainsi le virus, on l’attrape généralement entre 17 et 25 ans. Et pendant cette période, tous les ans, 20 % des femmes sont infectées par un nouveau HPV”, confirme le Dr Jean-Luc Mergui, membre du bureau du SFCPCV lors d’une conférence de presse. Ainsi, en moyenne à 44 ans, 80,9 % des patientes ont contracté des virus HPV. Constat similaire chez les hommes. Ils sont pour leur part 89 %. “En revanche, lorsqu’on regarde la probabilité d’acquisition du virus après 45 ans, elle est très faible. Elle est de l’ordre de 1 %. Le virus est vraiment contracté au début de la vie sexuelle”, précise le spécialiste.

Par ailleurs, si les risques d’être en contact avec les HPV grimpent avec le nombre de partenaires, un seul peut suffire. La probabilité pour une femme ayant connu qu’un·e seul·e partenaire d’être infectée par un papillomavirus humain est de 49 % jusqu’à 44 ans. Elle passe à 74 % avec deux partenaires et 88 % entre 3 et 6 partenaires. Ce sont ces constats qui ont conduit la Haute Autorité de Santé à préconiser la vaccination contre le papillomavirus humains à l’adolescence. Pour mémoire, les recommandations prévoient un schéma vaccinal de deux doses si la personne a entre 11 et 14 ans, et trois doses si elle a entre 15 et 19 ans. Et cela vaut aussi bien pour les filles que pour les garçons.

"L’efficacité de la vaccination sur la pathologie cervicale est extrêmement importante”, rappelle le Professeur Xavier Carcopino, Président de la SFCPCV. "Il s’agit d’un vaccin basé sur une protéine qui ressemble à une protéine virale qui permet de créer une immunogénicité très efficace. Sa première grande efficacité est d’éviter l’infection chronique aux VPH, le facteur de risque du cancer du col de l’utérus et des cancers HPV induits (ORL, pénis, anus…NDLR)." Une étude menée au Royaume-Uni où la vaccination contre les papillomavirus a été fortement adoptée, montre que le risque de cancer du col de l’utérus est diminué de 87 % pour les jeunes filles vaccinées entre 12 et 13 ans, 62 % entre 14 et 16 ans et 34 % pour les 16-18 ans. Les scientifiques ont estimé que cela représentait 448 cancers évités.

"Quand on parle au grand public du cancer du col de l’utérus, c’est une maladie un peu oubliée, car elle est devenue rare du fait du dépistage. En revanche, les lésions pré-cancéreuses du col de l'utérus sont extrêmement fréquentes. 30.000 femmes sont traitées chaque année. Et pour toutes ces femmes, c’est une épreuve, car le traitement touche à la sexualité et à la fertilité", souligne le Professeur Carcopino. Or, le vaccin réduit également ce risque.

Les travaux britanniques ont révélé que les adolescentes vaccinées entre 12 et 13 ans avaient 97 % moins de risques de présenter des lésions précancéreuses sur le col de l’utérus. Le taux était de 75 % pour celles vaccinées entre 14 et 16 ans et de 39 % chez les 16-18 ans. "Ainsi, plus on vaccine tôt, plus le vaccin est efficace. De plus, cette efficacité est établie, démontrée, non-discutable dans la littérature scientifique avec de nombreux essais, des méta-analyses et des études qui valident tous le même résultat", ajoute l’expert.

"Il faut désexualiser le vaccin anti-HPV"

Malgré ces données rassurantes, la France reste à la traîne sur la question de la vaccination anti-HPV par rapport à ses voisins européens. À fin 2023, la couverture vaccinale est de 54 % chez les jeunes filles pour une dose et de 44 % pour un schéma complet (2 ou 3 doses). Chez les garçons - pour qui la vaccination est recommandée seulement depuis 2021- les taux sont de 25 % pour une dose et 15 % pour un schéma complet. Ces chiffres sont bien en deçà des objectifs gouvernementaux qui visent 65 % des filles vaccinées avec une dose de HPV1 et de 47,7 % pour les garçons. Et encore plus, de l'objectif de 80 % de personnes vaccinées à l'horizon 2030. Cela représente un retard cumulé de 2 millions de non vaccinées chez les 20-26 ans.

La campagne de vaccination dans les collèges pour les élèves de 5e, lancée à la rentrée 2023, devait gommer ce retard. Mais, l'adhésion des parents et des adolescents est très limitée et peut s'expliquer en partie par un défaut de communication et de pédagogie au sein des établissements. "Toutefois, il faut être optimiste. Depuis la mise en place de la vaccination en milieu scolaire, il y a eu vraiment une nette progression entre 2022 et 2023", note Docteur Julia Maruani, Vice-présidente, SFCPCV. "Cette campagne a le mérite de faire reparler de la vaccination. J’ai de nombreuses patientes qui en consultation m’ont posé des questions sur le vaccin pour leur enfant”, ajoute la médecin.

Cette ouverture du dialogue permet de rappeler que la vaccination ne se limite pas aux murs du collège. Elle peut se faire chez un médecin, un infirmier ou une sage-femme, et également en pharmacie. En effet, les pharmaciens et les infirmiers sont aussi autorisés à prescrire et administrer le vaccin contre les HPV dès l’âge de 11 ans. "Cela a été mis en place en parallèle de la campagne dans les collèges et c’est un véritable progrès. Cela simplifie la démarche pour les parents", ajoute Dr Julia Maruani.

Au-delà de la pédagogie et de la facilitation de l’accès au vaccin, un autre point semble essentiel aux médecins du SFCPCV pour favoriser la hausse de la couverture vaccinale et prévenir les pathologies induites par des papillomavirus humains : "il faut désexualiser le vaccin anti-HPV. Il n’est pas un vaccin contre un virus sexuellement transmissible, mais contre les cancers”, conclut Professeur Geoffroy Canlorbe, Secrétaire général, SFCPCV.