Au début des années 2000, les professionnels de santé incisaient quasi-systématiquement le périnée des femmes enceintes durant les accouchements par voie basse. Cela porte un nom : l’épisiotomie. Le but de cette intervention ? Aider le bébé à sortir plus rapidement et facilement, en particulier en cas d’urgence vitale, et prévenir les lésions obstétricales du sphincter anal, résultant de l’effort de poussée, qui a un impact sur la santé et le bien-être des patientes à court et à long terme. Problème : cette "pratique de routine", selon Thomas Desplanches, professeur à la Haute Ecole de santé de Genève (HEdS) et chercheur associé en épidémiologie pédiatrique et périnatale à l’Université Paris Cité, n’a pas fait ses preuves scientifiquement parlant et "peut être vécue comme un geste violent." C’est pourquoi, depuis 2005, les autorités sanitaires françaises recommandent de restreindre la réalisation de l'épisiotomie.
Épisiotomie : les dossiers médicaux de 29.750 femmes ayant accouché par voie basse ont été analysés
Dans une récente étude, publiée dans la revue Plos Medicine, Thomas Desplanches et une équipe de chercheurs français ont voulu évaluer les variations de la prévalence de l'épisiotomie et des lésions obstétricales du sphincter anal. Pour cela, ces derniers ont utilisé les données des Enquêtes Nationales Périnatales de 2010, 2016 et 2021. Plus précisément, ils ont passé en revue les dossiers médicaux de 29.750 femmes ayant donné naissance à un enfant vivant par voie basse afin d'identifier les épisiotomies et les lésions obstétricales du sphincter anal. "Nous avons décrit la prévalence globale des issues, puis les contextes cliniques obstétricaux à l'aide d'une classification obstétricale des femmes en sept groupes. Les variations entre les années ont été analysées par des tests et en utilisant des modèles ajustés sur l'âge maternel, l'IMC, le pays de naissance, les cours prénataux, la suspicion de macrosomie fœtale et l'analgésie neuroaxiale pendant le travail, le professionnel qui a assisté à l'accouchement, le nombre annuel d'accouchements et le statut de la maternité."
Les épisiotomies ne concernent plus que 8,3 % des accouchements en 2021
Les recherches ont révélé que la prévalence globale de l'épisiotomie avait diminué de manière significative, passant de 25,8 % en 2010 à 20,1 % en 2016 et à 8,3 % en 2021. Cette réduction a été observée dans tous les groupes de la classification. D’après les auteurs, cette baisse du taux d'épisiotomie n'est pas nécessairement suivie d'une augmentation des lésions obstétricales du sphincter anal. Dans le détail, la prévalence des déchirures périnéales n'a augmenté de manière significative que dans le groupe composé de femmes nullipares ayant accouché d'un seul enfant à terme et ayant eu besoin de forceps ou de spatules, passant de 2,6 % en 2010 à 9,6 % en 2021.
"Nos résultats doivent être interprétés avec prudence compte tenu de lésions obstétricales du sphincter anal dans certains sous-groupes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour prédire le taux optimal d'épisiotomie pour les accouchements instrumentaux. Dans les hôpitaux où les taux d'épisiotomie sont élevés, nos données suggèrent que l'épisiotomie pourrait être réduite en toute sécurité pour les accouchements par voie basse afin de se conformer aux recommandations internationales et aux demandes des femmes", peut-on lire dans les travaux.