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Naissance prématurée : un minuteur moléculaire en cause ?

Par Sophie Raffin

Des chercheurs ont découvert l'existence d’un minuteur biologique qui se lance dès les premiers jours de grossesse, qui pourraient être en cause dans les accouchements prématurés.

Pixelistanbul/istock
Des chercheurs ont découvert chez la souris un minuteur moléculaire qui joue un rôle dans le contrôle du moment de l'accouchement.
Ce minuteur qui impacte les cellules de l'utérus, s'active dès les premiers jours de la grossesse.
Si le même processus est observé chez les humains, certaines naissances prématurées pourraient être liées à des événements survenant à un stade précoce de la grossesse.

Une grossesse standard dure entre 40 et 41 semaines. Toutefois, certains bébés arrivent plus tôt, voire très tôt. En effet, 10 % naissent avant 37 semaines de gestation. Beaucoup de ces naissances prématurées restent assez mystérieuses.

Les chercheurs de l’Université de Californie San Francisco ont fait une avancée de taille sur le sujet alors qu'ils étudiaient des souris. Ils ont découvert un “minuteur moléculaire” qui s’active dès les premiers jours de la grossesse.

Leurs travaux ont été présentés dans la revue Cell, le 21 janvier 2025.

Durée de gestation : KDM6B joue un rôle dès les premiers jours de la grossesse

L’équipe a décidé de se concentrer sur une protéine appelée KDM6B, car ils soupçonnaient que cette dernière joue un rôle dans la régulation des gènes impliqués dans la transition vers le travail. 

En suivant des souris gestantes, les scientifiques ont remarqué que lorsqu’ils bloquaient la protéine, les grossesses devenaient plus longues et les petits naissaient plus tard que d'habitude. Des analyses supplémentaires ont montré que les effets de KDM6B sur la durée de la gestation étaient liés à des cellules baptisées fibroblastes. Ces dernières jouent un rôle dans la régulation du travail. Et, autre découverte importante : la protéine étudiée les contrôlait dès les premiers jours de la grossesse.

"Nos résultats mettent en évidence un rôle surprenant des fibroblastes utérins dans la régulation du moment de l'accouchement", explique la chercheuse Tara McIntyre dans un communiqué. "Ce n'était pas quelque chose que nous avions prévu, et cela a complètement remodelé notre compréhension des types de cellules et des processus qui déterminent le déclenchement du travail."

Un minuteur biologique à l'origine de certains accouchements prématurés

Des expériences complémentaires sur les souris enceintes ont révélé que peu de temps après la conception, des groupements méthyle apparaissent sur les histones (protéine basique du noyau cellulaire) à proximité de certains gènes dans les fibroblastes utérins. Ces gènes restent alors inactifs. Ce phénomène aide l'utérus à soutenir la grossesse.

Les chercheurs ont ensuite remarqué que les niveaux de méthylation de ces histones diminuent de manière lente et régulière pendant la grossesse. Lorsque les taux sont bas, les gènes qui régulent le travail peuvent finalement se mettre en route. "En gros, ce qui semble se produire, c'est que ce minuteur se déclenche dès le début de la grossesse, puis se ralentit progressivement", précise l’auteur principal Dr Adrian Erlebacher. "Lorsque la méthylation des histones s'érode suffisamment, les gènes voisins s'activent."

"Quand les chercheurs ont bloqué KDM6B, les histones proches de certains gènes ont accumulé trop de méthylation au début de la grossesse. Ce "point de seuil" accru signifiait que, malgré l'érosion, ces gènes n'étaient pas activés à temps, ce qui retardait le travail", expliquent les auteurs.

Ils avancent que la découverte de ce “minuteur moléculaire” pourrait aider à mieux comprendre et prévenir les naissances prématurées, s’il est confirmé que le même processus est présent chez les humains. "Si les signaux moléculaires nouvellement étudiés sont perturbés chez les humains, ils pourraient être liés au risque d'accouchement prématuré, estime l’équipe. Par exemple, certaines femmes pourraient commencer la grossesse avec des niveaux de méthylation des histones inférieurs à la normale. Ce qui pourrait conduire à l'érosion de la méthylation et activer trop rapidement les gènes liés au travail."

De plus, les naissances prématurées pourraient ainsi s’expliquer par des événements qui se produisent très tôt dans la grossesse, et pas uniquement dans les dernières semaines.