- “La maladie à corps de Lewy est une maladie neuro-évolutive qui est beaucoup plus fréquente après 80 ans”, explique le Pr Blanc.
- Le diagnostic repose sur la présence de troubles cognitifs associée à un ou deux autres symptômes parmi les quatre suivants : des hallucinations visuelles ; des troubles du comportement en sommeil paradoxal ; des fluctuations cognitives ; un syndrome parkinsonien.
- “On ne connaît pas les causes de la maladie à corps de Lewy. En revanche, certains éléments nous permettent d’avoir une idée des facteurs de risque”, notamment l’AVC et les antécédents familiaux de MCL ou Parkinson.
Peu connue, la maladie à corps de Lewy (MCL) est pourtant la deuxième pathologie neurocognitive la plus répandue après la maladie d’Alzheimer. En France il y aurait au moins 150.000 personnes touchées mais il est difficile d’avoir des chiffres exacts car d’après la Fondation Recherche Alzheimer, “les 2/3 des malades ne seraient pas diagnostiqués”. Quelle est cette maladie ? Comment se fait le diagnostic ? Quels sont les facteurs de risque ? Réponses avec le Pr Fréderic Blanc, gériatre et grand spécialiste de la MCL qui revient sur cette maladie dans une vidéo.
Démence de Lewy : une maladie neuro-évolutive fréquente après 80 ans
“La maladie à corps de Lewy est une maladie neuro-évolutive qui est beaucoup plus fréquente après 80 ans, explique le Pr Blanc. C’est une maladie qui associe d’abord des troubles cognitifs. En général un ralentissement, des difficultés attentionnelles et/ou des difficultés d’organisation.” Mais pour dire qu’il y a MCL, il faut à la fois des troubles cognitifs et un ou deux autres symptômes parmi les quatre suivants :
-des hallucinations visuelles ;
-des troubles du comportement en sommeil paradoxal : “ce sont des gens qui bougent dans leur lit, qui ont des cauchemars et qui vont vivre leur rêve alors qu’ils ne le devraient pas” ;
-des fluctuations cognitives et de vigilance, “c’est-à-dire des moments où les patients seront moins biens et d’autres moments où ils seront mieux” ;
-un syndrome parkinsonien (ralentissement physique, rigidité et souvent des chutes).
Un sous-diagnostic de la maladie à corps de Lewy
“On pense que cette maladie touche au moins 200.000 personnes en France, au minimum 150.000 personnes et au maximum 300.000”, déclare le spécialiste qui soulève le problème du sous-diagnostic. “C’est une maladie que l’on connaît depuis peu. Elle a été décrite pour la première fois dans les années 70 par un collègue japonais, le Pr Osaka. Puis, elle a été décrite cliniquement par nos collègues anglais, et en particulier Ian McKeith dans les années 90.” Les premiers critères internationaux de la MCL n’arriveront qu’en 1996. Selon le Pr Blanc, la France a commencé à s'intéresser à cette pathologie dans les années 2000, mais il aura fallu attendre 2010 pour qu’elle soit vraiment connue.
Peut-on prévenir le développement de la MCL ?
“On ne connaît pas les causes de la maladie à corps de Lewy. En revanche, certains éléments nous permettent d’avoir une idée des facteurs de risque, notamment grâce aux collègues de la Mayo Clinic à Rochester aux États-Unis.” Ces spécialistes ont en effet montré que les patients atteints de MCL avaient en commun plusieurs conditions :
-un accident vasculaire cérébral ;
-l’anxiété ou la dépression : “je ne suis pas tout à fait d’accord sur ce point, avance le Pr Blanc. Je pense que l’anxiété et la dépression sont plutôt des symptômes prodromaux”, c’est-à-dire des symptômes qui apparaissent au début de la maladie. “On l’a montré récemment grâce à la cohorte nationale française Memento”, ajoute-t-il ;
-l’apolipoprotéine E4 : “l’Apo E4 est un gène qui favorise la maladie d’Alzheimer et qui pourrait aussi favoriser la maladie à corps de Lewy. Mais là aussi, on a publié récemment avec mon équipe que l’Apo E4 était plutôt un facteur de risque la MCL associée à la maladie d’Alzheimer” ;
-avoir des antécédents familiaux de MCL ou Parkinson.
Phtalates, pesticides, infection : les autres hypothèses sur les facteurs de risque
Récemment, en comparant des patients atteints de maladie à corps de Lewy et de maladie d’Alzheimer, les chercheurs ont montré qu’il y avait plus volontiers la présence de phtalates chez les premiers. Ce sont des microplastiques décriés car ils sont considérés comme perturbateurs endocriniens et, pour la plupart, ils sont classés comme “substances toxiques pour la reproduction”. “On ne dit pas que les phtalates favorisent l’émergence de la MCL, il faudrait qu’on aille plus loin dans les recherches”, tempère le Pr Blanc.
Des hypothèses sur une origine infectieuse de la MCL circulent également. Pourquoi ? “Chez tous les patients atteints de la maladie à corps de Lewy, y compris au tout début de la maladie, on a des corps de Lewy dans les bulbes olfactifs, c’est-à-dire dans le système nerveux du nez. Donc on pourrait imaginer qu’il y a un début de la maladie qui commence par le nez, peut-être ce qu’on inhale. Cela pourrait être infectieux ou éventuellement lié à un toxique, comme les phtalates”, détaille le médecin.
Concernant le rôle des pesticides, pour lesquels plusieurs études ont montré le lien avec les maladies de Parkinson et d’Alzheimer, aucune recherche n’a encore été menée pour la MCL.