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L’interview du week-end

Troubles musculo-squelettiques : "Toute tension, même petite, ne doit pas être négligée, car elle peut s’aggraver"

Par Geneviève Andrianaly

En France, les troubles musculo-squelettiques (TMS) constituent la première cause de morbidité liée au travail. Guillaume Duvauchelle, coach sportif diplômé d’état, nous explique comment surviennent ces problèmes de l'appareil locomoteur qui doivent être pris au sérieux.

simonapilolla/iStock

Pourquoi docteur : Secrétaire, conducteur de camion, agent d’entretien… Les troubles musculo-squelettiques (TMS) constituent aujourd’hui l’une des questions les plus préoccupantes en santé au travail, selon le ministère de la Santé. Mais de quoi s’agit-il ?

Guillaume Duvauchelle : Ce terme long, compliqué et qui peut faire peur, regroupe des affections qui vont toucher les articulations, les muscles, les tendons, les ligaments, les nerfs et les structures de soutien du corps. Il existe deux niveaux de troubles musculo-squelettiques. Le premier correspond à une tension qui survient et disparaît aussitôt. Par exemple, une personne reste dans une position assise pendant de longues heures, ce qui entraîne un mal de dos, mais après avoir marché, elle n’en souffre plus. Dans le deuxième cas, la tension met plus de temps à partir, donc le patient va de plus en plus y penser, être gêné et même se réveiller la nuit.

Ainsi, au départ, la personne peut ne pas se rendre compte de cette tension, la banaliser et ne pas la prendre au sérieux. Problème : le muscle a une mémoire. Si la cause de la tension n'est pas supprimée, la douleur va donc survenir de manière récurrente et devenir de plus en plus pénible. Toute tension, même petite, ne doit donc pas être négligée, car elle peut s’aggraver.

Quelles sont les parties du corps les plus touchées ?

Que ce soit pour les salariés de bureau, les soignants ou encore les travailleurs portant des charges lourdes, le bas du dos est, en général, la zone la plus atteinte. Les cervicales et les épaules sont également souvent affectées. Les personnes assises presque toute la journée derrière un écran sont plus susceptibles de présenter un syndrome du canal carpien au poignet. Pour les membres inférieurs, comme les genoux, les risques sont plus faibles.

Prise de poids, stress, inactivité : la survenue des TMS "favorisée par l’épidémie de Covid-19"

Comment se manifestent les troubles musculo-squelettiques ?

Ces affections se traduisent par des douleurs et des gênes fonctionnelles qui peuvent limiter les mouvements et les capacités physiques. Plus précisément, les adultes concernés souffrent d’une sensation de raideur, d’inflammation, de gonflement, d’une perte de force, de flexibilité et de sensibilité. Ces symptômes peuvent être aigus et se présenter toute la journée.

Selon l’Assurance Maladie, ces affections ont augmenté de 60 % depuis 2003. Avez-vous constaté cette hausse des cas ces dernières années ?

On observe bien cette augmentation des problèmes de l'appareil locomoteur, dont la survenue a été favorisée par l’épidémie de Covid-19 avec la prise de poids, le stress ou encore le fait de rester inactif. Lors de mes interventions dans les entreprises, je constate que 50 % des employés, souvent sédentaires, connaissent ce terme, mais ces derniers se rendent compte seulement après mes explications qu’ils en souffrent. Les salariés n’en étaient pas conscients avant, car sur les sites officiels, les images montrent souvent des travailleurs dans les usines ou des ouvriers qui portent des charges lourdes et non des personnes exerçant leur métier dans des bureaux.

"Personne n’est épargné par les troubles musculo-squelettiques"

Quelles sont les personnes les plus à risque de développer des troubles musculo-squelettiques ?

Personne n’est épargné par les troubles musculo-squelettiques. Quand on bouge, le corps crée des tensions. Elles ne sont pas forcément mauvaises, c’est la répétition des mouvements qui pose problème. Par exemple, si l’on a tendance à s’avachir du côté droit, il convient de le faire aussi de l’autre côté pour trouver un équilibre. Quant à la posture, elle n’entre réellement pas en compte, car contrairement à ce que l’on peut souvent entendre, il n’existe pas de "mauvaises postures". Chacun a sa morphologie, nous ne sommes pas tous faits pareil et capables de se tenir d’une certaine manière. Par exemple, un patient atteint d’une scoliose ne peut pas rester droit, il se tient à sa manière, c’est donc la bonne posture pour lui.

Quelles sont les causes ?

Les troubles musculo-squelettiques peuvent apparaître en raison de situations professionnelles, provoquant du stress qui se répercute sur le corps. À cela, on ajoute les mouvements répétitifs, le fait de rester assis plusieurs heures durant la journée, le port de charges lourdes, les vibrations et les chocs mécaniques, le froid, le bruit ou encore un mauvais éclairage. Cependant, ces affections résultent également de situations quotidiennes en dehors du travail, par exemple le fait de mal tenir le balai ou s’agenouiller lorsque l’on fait le ménage. Certaines personnes ont aussi tendance à hausser les épaules sans s’en rendre compte ou à porter leur bébé uniquement du côté droit. Tout cela crée des tensions.

"Plus on vieillit, plus on est confronté aux troubles musculo-squelettiques, il faut donc agir le plus tôt possible"

Que faire pour réduire les symptômes ?

On le sait depuis longtemps : le mobilier et les équipements de travail peuvent avoir un impact sur les symptômes liés aux troubles musculo-squelettiques. Et pour cause, une loi a été promulguée en 1991 sur le sujet. Afin d’éviter de souffrir de problèmes de l'appareil locomoteur, il convient, au bureau, de s’asseoir sur une chaise qui respecte les courbures de la colonne vertébrale. On oublie celle droite et en bois qui crée des tensions. Autre astuce : avoir recours à un Swiss ball qui aide à avoir les muscles du dos actifs. Il est aussi possible de placer un coussin au niveau de la courbure lombaire et même des cervicales. Pour relever les pieds, un cale-pied peut être utilisé. Certaines entreprises optent également pour des bureaux debout, c’est une bonne idée ! Mais attention, il ne faut pas trop simplifier les choses, car cela peut générer aussi des tensions. Par exemple, lorsque l’on est sur une chaise avec plusieurs coussins, on va avoir tendance à s’avachir trop pendant longtemps et tous les jours. Étant donné que les coussins maintiennent trop le dos, les muscles profonds ne font plus leur travail.

Dans la vie quotidienne, toute personne devrait adopter une activité physique ou sportive, mettre en place un réveil musculaire, faire un échauffement et des étirements de manière régulière. Pour rappel, il est possible d’être actif et sédentaire en même temps. Le fait de bouger et faire de l’exercice va permettre de compenser la sédentarité. Cependant, cela n’aidera pas à prévenir les premières tensions, mais permettra de les faire disparaître plus vite. Si l’on ne peut pas faire du sport, il faut essayer de mobiliser son corps et se mettre en mouvement derrière son bureau.

Comment lutter contre la sédentarité ?

Il est recommandé aux personnes ayant un mode de vie sédentaire de bouger, changer régulièrement de posture, disposer et utiliser des équipements de travail adaptés, faire minimum 10.000 pas par jour, pratiquer une activité physique et sportive quotidienne ou hebdomadaire, faire des petits étirements au cours de la journée, avoir un sommeil de bonne qualité ainsi que manger sainement et équilibré. Plus on vieillit, plus on est confronté aux troubles musculo-squelettiques, il faut donc agir et adopter ces gestes le plus tôt possible.