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Absence de directives anticipées, traitements utiles...

Fin de vie : la justice ordonne le maintien en vie de Vincent Lambert

Par Bruno Martrette

Le tribunal administratif décide de maintenir l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert, un tétraplégique en état de conscience minimale. Les juges ont tranché contre l'avis médical.  

JDD/SIPA
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La justice a tranché. Ce jeudi, en fin de matinée, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) a décidé de « maintenir l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert », un tétraplégique de 37 ans en état de conscience minimale depuis 5 ans à la suite d'un terrible accident de moto. Cette décision de justice est une victoire pour les parents de la victime, qui s'étaient prononcés pour le maintien en vie de leur fils. Mais concernant le corps médical qui s'occupe de Vincent depuis des années, la pilule passe mal. Le service de médecine palliative avec à sa tête le Dr Eric Kariger avait en effet décidé d’interrompre l’alimentation et l’hydratation artificielles de Vincent Lambert. Pour le Dr Vincent Morel, président de la Société française de soins palliatifs (SFAP), « ce jugement qui est réellement sur le fond de l'affaire est un coup dur pour la loi Leonetti sur la fin de vie. »

La fin de l'acharnement thérapeutique remise en cause
Voté en 2005, ce texte a tout d'abord pour objet d'éviter les pratiques d'euthanasie, un geste intentionnel qui donnerait la mort. Il condamne de ce fait l’injection délibérée d’un produit létal, autrement dit « l’euthanasie active », comme c'est le cas en Belgique et aux Pays-Bas. Par ailleurs, la loi Leonetti vise à empêcher l'acharnement thérapeutique pour des patients en ayant fait le souhait. Ce souhait peut-être confirmé de deux façons, soit au travers de directives anticipées rédigées par le patient lui-même, soit d'un commun accord entre les proches du malade et l'équipe médicale.
Or, pour le Dr Vincent Morel, cette décision de justice incite les médecins à poursuivre l'acharnement thérapeutique. « Un véritable chamboulement des pratiques », pour ce médecin, qui confie que les équipes en soins palliatifs luttent au quotidien pour éviter l'acharnement thérapeutique, « dans le respect de la loi. »

Ecoutez le Dr Vincent Morel, président de la SFAP : « Cette décison veut dire que de nouveau on doit basculer vers de l'acharnement thérapeutique et maintenir des vies qui, selon les médecins et la famille du patient, n'ont plus lieu de se poursuivre...»



Des traitements utiles et pas disproportionnés selon le tribunal
En l'espèce, le tribunal administratif a notamment jugé que « la poursuite du traitement n'était ni inutile, ni disproportionnée et n'avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie. »

En réaction, le chef du service de médecine palliative du CHU de Reims a déclaré à l'AFP que « les volontés de Vincent n'ont pas été respectées ».  « Je pense beaucoup à la femme de Vincent et à l'ensemble de la famille. Le tribunal suspend la décision médicale, mais le conflit familial va rester lui aussi suspendu».
Et le Dr Eric Kariger, en charge de Vincent Lambert, de poursuivre en estimant que « c'est une remise en cause de la loi Leonetti dans sa justesse et son équilibre, ce qui en tant que citoyen m'inquiète particulièrement. C'est à la déontologie et à la profession médicale de définir la notion d'obstination déraisonnable. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que certains ont pris notre place », a-t-il encore commenté. Un point de vue que rejoint aussi le Dr Vincent Morel qui confiait ce matin son étonnement sur le fait que des juges décident à la place des médecins. « C'est en totale contradiction avec la loi Leonetti qui donne toute la place à la famille et aux médecins dans ces décisions toujours délicates à prendre. »


L'éternel problème de l'absence des directives anticipées
Par ailleurs, même si la femme de Vincent Lambert a souvent répété que son mari aurait souhaité qu’on interrompe sa vie dans une telle situation, cette division de la famille a visiblement rendu prudent les juges. Selon les magistrats, « la volonté du patient n' a pas  été clairement exprimée, en l’absence de directives anticipées. » A ce titre, le Dr Vincent Morel souligne que l’absence de directives anticipées dans cette affaire montre une nouvelle fois les limites de la loi Leonetti. Et ce dernier de rappeler qu'aucune campagne grand public à ce sujet n'a encore été menée en France.

Ecoutez le Dr Vincent Morel : « Cette décision montre l'échec de l'information sur la loi Leonetti. Malheureusement, cette homme n'a pu ni écrire de directives anticipées, ni désigner une personne de confiance...»



Enfin, selon des sources proches du dossier, l’avocat de François Lambert, neveu de Vincent Lambert favorable à l’euthanasie passive de son oncle, a indiqué qu’il pourrait faire appel devant le Conseil d’Etat. Et la ministre de la santé, Marisol Touraine, de conclure que « la loi Leonetti sur la fin de vie ne suffisait à l'évidence pas. Il ne m'appartient pas de commenter une décision de justice, d'autant moins que je crois savoir que l'épouse de Vincent Lambert va introduire un recours devant le Conseil d'Etat et que donc la procédure se poursuit », a-t-elle conclu sur Europe 1.