Selon l’atlas mondial de la luminosité artificielle du ciel nocturne, 85 % de la population mondiale et plus de 99 % des Européens et des Américains vivent sous un ciel pollué par la lumière artificielle la nuit. Panneaux publicitaires, lampadaires, éclairages de bureaux et de jardins sont autant de sources qui perturbent le rythme biologique de 24 heures, appelé rythme circadien. Ce dernier joue un rôle important dans la régulation de nombreuses fonctions biologiques, notamment le système hormonal, essentiel dans le développement des cancers hormonodépendants comme le cancer du sein.
Les conclusions de l’étude “CECILE”
L'équipe Exposome et Hérédité de Pascal Guénel, basée au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif, a cherché à évaluer si les perturbations du rythme circadien liées à l'exposition à la lumière artificielle nocturne pouvaient accroître le risque de cancer du sein.
L’étude CECILE, menée en France, a analysé les données de 1.185 femmes atteintes d’un cancer du sein et 1.282 femmes témoins réparties dans les départements de la Côte-d'Or et de l'Ille-et-Vilaine. L’équipe a mesuré l’exposition à la lumière artificielle nocturne grâce à des images satellites du programme Defense Meteorological Satellite Program et a croisé ces données avec les localisations des résidences des participantes.
Les résultats généraux n’ont pas mis en évidence un lien direct entre l'exposition à la LAN et le risque global de cancer du sein. Cependant, des analyses de sous-groupes ont révélé des tendances à la hausse du risque chez les femmes ménopausées et une association significative pour les cancers HER2-positifs, une forme agressive de la maladie.
Des témoignages et une reconnaissance professionnelle difficile
Le lien entre lumière artificielle nocturne et cancer du sein commence à être reconnu dans certains cas. En Moselle, Bernadette W., ancienne soignante à l’hôpital de la Caisse des Mines de Freyming-Merlebach, a réussi à faire reconnaître son cancer du sein, diagnostiqué en 2005, comme maladie professionnelle liée à son travail nocturne.
Malgré le classement du travail de nuit comme cancérogène probable par l'OMS, peu d’études ont jusqu’ici porté sur l’exposition à la pollution lumineuse dans l'environnement général. « Les individus peuvent être exposés à la lumière artificielle le soir avant de se coucher et ensuite une fois dans leur lit à travers les fenêtres et les rideaux. Même endormis, ils perçoivent la luminosité », explique Nirmala Prajapati, chercheuse Inserm et première autrice de plusieurs publications sur ce sujet.