- Le fait d’inhaler la fumée de cigarette des autres laisse une empreinte durable sur la santé des enfants en modifiant leur épigénome, augmentant ainsi leur susceptibilité à certaines maladies comme l’asthme et le cancer.
- L’étude, menée sur 2.695 enfants européens, montre que l’exposition domestique altère la méthylation de l’ADN, un mécanisme régulant l’expression des gènes.
- Malgré les restrictions sur le tabac dans les lieux publics, le foyer reste un lieu d’exposition majeur. Les chercheurs appellent à des mesures plus strictes pour protéger les enfants.
La fumée de cigarette ne se contente pas de nuire aux fumeurs : elle laisse aussi une empreinte durable sur la santé des enfants qui y sont exposés à la maison. Une étude menée par l'Institut de santé globale de Barcelone (ISGlobal) en Espagne, publiée dans la revue Environment International, révèle que le tabagisme passif modifie l'épigénome des enfants, influençant essentiellement leur risque de développer certaines maladies à l'âge adulte.
Une signature épigénétique durable
L'épigénétique est l'ensemble des modifications qui influencent l'expression des gènes sans altérer leur séquence. Parmi ces changements, la méthylation de l'ADN agit comme une sorte de « marque » qui peut activer ou inhiber certains gènes. L'étude a montré que les enfants exposés à la fumée de cigarette des autres présentent des altérations de la méthylation de l'ADN dans 11 régions génomiques, dont certaines sont associées à des maladies comme l'asthme et le cancer.
L'analyse a été réalisée sur des échantillons sanguins de 2.695 enfants âgés de 7 à 10 ans, issus de huit pays européens. Les chercheurs ont comparé le degré de méthylation en fonction du nombre de fumeurs présents dans le foyer (0, 1 ou 2 et plus). Les résultats indiquent que les effets épigénétiques du tabagisme passif sont similaires à ceux observés chez les fumeurs actifs ou chez les enfants exposés in utero à la cigarette.
Mieux protéger les enfants contre le tabagisme passif
Malgré les réglementations de plus en plus strictes sur le tabac dans les lieux publics, le domicile reste une source majeure d'exposition pour les enfants. En 2004, 40 % des enfants dans le monde étaient ainsi exposés au tabagisme passif, avec des conséquences sur le système respiratoire, cardiovasculaire, neurologique et immunitaire. Les chercheurs insistent sur la nécessité de mesures plus strictes pour protéger les enfants, au-delà d'un simple appel à la responsabilité individuelle. "L'exposition au tabac est une question de santé publique, mais aussi un enjeu de justice sociale" , souligne Marta Cosin-Tomàs, qui travaille à l'ISGlobal, dans un communiqué.
Face à ces résultats, il apparaît plus que jamais urgent, selon les scientifiques, de mettre en place des mesures pour limiter l'exposition des enfants à la fumée secondaire. Les campagnes de sensibilisation, d'interdiction du tabac dans les espaces clos partagés et d'accompagnement des familles en difficulté peuvent notamment constituer des pistes d'action efficaces. En particulier l'exposition dès le plus jeune âge, on pourrait ainsi préserver le patrimoine génétique des enfants et prévenir de nombreuses maladies à l'âge adulte.