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Témoignage patient

Narcolepsie : "Je m’endormais tout le temps en classe, les professeurs me faisaient souvent des réflexions"

Par Geneviève Andrianaly

Dès le plus jeune âge, Judith présente, de temps en temps, une somnolence diurne, mais ce n’est qu’au collège que la jeune femme reçoit un diagnostic de narcolepsie. La patiente nous raconte comment elle a traversé sa scolarité avec ce handicap invisible.

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Au début de son adolescence, Judith a reçu un diagnostic de narcolepsie de type 1 qui concerne environ une personne sur 5.000, soit 0,02 % de la population générale.
Chez la jeune patiente, cette maladie chronique rare se manifeste par une somnolence diurne, des troubles de la mémoire, des vertiges, une fatigue intense, des insomnies et des difficultés à se lever le matin.
Après avoir pris un traitement durant huit ans, elle l’a arrêté en raison de plusieurs effets secondaires, comme l’irritabilité, la nervosité, une sensibilité plus élevée, des maux de tête ou encore des diarrhées.

"Depuis que je suis petite, j’ai une capacité à m’endormir partout facilement. Cela ne nous, mes parents et moi, a jamais mis la puce à l’oreille", se souvient Judith, aujourd’hui âgée de 21 ans, qui a découvert au début de son adolescence qu’elle était atteinte de narcolepsie, plus précisément de type 1, car "il en existe plusieurs types". Dans le cas de cette maladie chronique rare qui concerne environ une personne sur 5.000, soit 0,02 % de la population générale selon l’Inserm, une hypersomnolence centrale survient et est caractérisée par un sommeil nocturne de durée normale mais de qualité médiocre, avec de multiples éveils en cours de nuit, une somnolence diurne excessive et des endormissements irrépressibles qui peuvent survenir à tout moment de la journée, même en pleine activité.

Narcolepsie : "Chaque matin, il me faut 30 minutes à une heure" pour me lever

"Au collège, j’habitais encore à la campagne près de Nantes, je devais prendre le bus pour m’y rendre. À chaque trajet, je ratais mon arrêt, car je m’étais endormie. Je mettais ça sur le compte du manque de sommeil, car je me couchais tard le soir. À l’école, je m’endormais aussi tout le temps en classe. La somnolence se présentait souvent l’après-midi après le déjeuner. Après avoir dormi cinq à dix minutes, je me sentais, en général, reboostée et pleine énergie. J’ai toujours l’impression d’avoir dormi une heure." Ses micro-siestes n’étaient pas bien perçues. "Même si j’étais une élève studieuse, cela devenait de plus en plus compliqué de suivre les cours. Les élèves et les professeurs me faisaient souvent des réflexions. Les enseignants pensaient que je ne dormais pas, car j’étais devant des écrans toute la nuit. Ils en ont donc convoqué mes parents pour leur en parler", confie la jeune femme, dont la somnolence était également de plus en plus accompagnée de troubles de la mémoire, de vertiges, d'une fatigue intense et d'insomnies. "Chaque matin, j’avais des difficultés pour me lever, il me fallait 30 minutes à une heure pour le faire. Je ne comprenais pas bien ce qu’il m’arrivait."

Face à ses symptômes, sa mère et son père inquiets décident de consulter un médecin généraliste qui les a orientés vers un neurologue. "Durant trois jours, j’ai fait des tests pour examiner mon sommeil. Le professionnel de santé m’a filmé pendant que j’avais des électrodes placées sur mon crâne et que je dormais. À l’issue de ces examens, j’ai reçu un diagnostic de narcolepsie, dont on ne connaît pas la cause. Cette pathologie peut être héréditaire, mais dans ma famille, personne n’en souffre à part moi", explique la jeune diplômée d’une licence en économie sociale et familiale. Pour traiter la narcolepsie, le spécialiste lui a prescrit du "Modafinil", un psychostimulant "qui aide à réguler le cerveau pour mieux dormir le soir et rester éveillée la journée".

Sa narcolepsie est "invalidante au quotidien" mais non reconnue par la MDPH

Bien qu’elle prenne ce médicament pendant environ huit ans, il lui arrive toujours de présenter une somnolence diurne. "Au lycée et en BTS, j’ai informé mes professeurs. Malheureusement, aucun aménagement n’a été mis en place pour que je puisse ne pas rater les cours, car, malgré les multiples demandes, ma maladie, du moins son degré, n’est pas reconnue par la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH). Et pourtant, elle reste invalidante au quotidien. Les gens négligent cela, voire, ils jugent et ne prennent pas au sérieux la narcolepsie. C’est pourquoi je n’ai jamais dit que j’en étais atteinte à mes camarades de classe, je n'avais pas envie de débattre sur les nombreuses idées reçues, par exemple certains pensent que je peux m’endormir sur commande, ou encore être traitée d’une certaine manière." Judith a fait le même choix lors de son alternance avant l’obtention de son diplôme. "Je sais que ma pathologie peut me porter préjudice. Ainsi, pour éviter toute réflexion de mes supérieurs, je n’ai jamais évoqué ma narcolepsie."

Depuis son arrivée dans la région parisienne pour ses études supérieures, la patiente a interrompu son traitement. "Je prenais plusieurs comprimés par jour, j’avais des effets secondaires trop importants, comme l’irritabilité, la nervosité, une sensibilité plus élevée, des maux de tête ou encore des diarrhées. Je n’en pouvais plus. Comme je ne vis plus avec mes parents, je ne me sentais plus obligée de prendre ce médicament, donc j’ai arrêté. Il existe un autre traitement provoquant moins d’effets indésirables, mais qui coûte 200 euros et qui est non-remboursé. Malheureusement, je n’ai pas les moyens de me le procurer", explique la vingtenaire qui a rendez-vous avec son neurologue tous les ans.

Malgré ses symptômes handicapants, la jeune femme tente de profiter pleinement de sa vie. "Contrairement à ce que l’on peut penser, la narcolepsie ne compromet pas ma vie sociale. Il est vrai que parfois, elle peut être embêtante, par exemple lorsque je m’endors en boîte de nuit, mais j’anticipe et je préviens mes copines. Ce qui me fait le plus peur, c’est le fait d’être toute seule, par exemple dans les transports où je peux m’endormir." Au quotidien, elle essaye de s’organiser au mieux. "Après mangé le midi, je me réserve toujours un temps pour faire une petite sieste. Au fil du temps, je me rends compte que moins je pense à ma maladie, moins je somnole !"