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QUESTION D'ACTU

L'interview du week-end

Maladie du siècle : “L’obésité n’est pas une simple conséquence d’un manque de volonté”

À l'occasion de notre semaine spéciale obésité sur Pourquoi Docteur, interview du Dr Guillaume Pourcher, chirurgien digestif et membre de l’Académie nationale de Chirurgie, qui a écrit l'ouvrage L’obésité, maladie du siècle – Ni une faute, ni une fatalité ! (XO Éditions).

Maladie du siècle : “L’obésité n’est pas une simple conséquence d’un manque de volonté” peakSTOCK/ISTOCK




Souvent réduite à un problème lié au mode de vie, l’obésité est en réalité une maladie aux causes multiples : génétique, déséquilibres hormonaux, microbiote, traumatismes psychiques… Le Dr Pourcher revient sur ces mécanismes complexes et dénonce la stigmatisation dont souffrent les patients, un facteur aggravant majeur. "Mieux dépister, déculpabiliser et soigner" : un triptyque essentiel pour freiner cette épidémie qui touche aujourd’hui 17 % des adultes en France.

Pourquoi Docteur : Votre ouvrage s’intitule 'L’obésité, maladie du siècle – Ni une faute, ni une fatalité !'. Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Dr Guillaume Pourcher : Le titre met en avant deux points essentiels. D’abord, l’obésité est bien la maladie du siècle car elle est en pleine expansion et met en péril l’espérance de vie des populations modernes. Elle est aujourd’hui reconnue comme une pandémie, même si son mode de transmission est différent de celui des maladies infectieuses. On sait que certains facteurs favorisent sa progression, mais on ne comprend pas encore totalement tous les mécanismes en jeu.

Ensuite, la deuxième partie du titre (Ni une faute, ni une fatalité !) est une réponse aux idées reçues. L’obésité n’est pas une simple conséquence d’un manque de volonté ou de mauvaises habitudes alimentaires. C’est une maladie complexe aux origines multiples, et il est essentiel de sortir du discours culpabilisant qui entoure cette pathologie.

L’obésité est en forte augmentation. Sommes-nous tous concernés par ce risque ?

D’une certaine manière, oui. Nous avons tous en nous une prédisposition plus ou moins marquée à stocker l’énergie sous forme de graisse. Cette capacité de stockage est un héritage évolutif. Nos ancêtres devaient survivre à des périodes de famine, et ceux qui avaient la capacité de constituer des réserves avaient plus de chances de survivre et de transmettre leurs gènes.

Aujourd’hui, alors que l’accès à la nourriture est abondant dans nos sociétés modernes, cette tendance biologique devient un désavantage. Résultat : on observe une explosion des cas d’obésité, avec un milliard de personnes touchées dans le monde. Cela montre bien que ce n’est pas simplement une question de volonté ou d’intelligence, mais une problématique bien plus large.

Malheureusement, au lieu de reconnaître cette réalité, on a tendance à culpabiliser les personnes en surpoids. Ce regard négatif est un véritable frein à leur prise en charge et contribue à leur souffrance.

Quelles sont les causes profondes de l’obésité ? Comment distinguer les causes des facteurs aggravants ?

Il est important de faire la distinction entre les causes réelles de l’obésité et les facteurs qui l’aggravent.

Prenons un parallèle avec le diabète : ce n’est pas parce qu’on a mangé du sucre enfant qu’on devient diabétique. En revanche, une consommation excessive de sucre peut aggraver un diabète existant.

De la même manière, pour l’obésité, on entend souvent dire que c’est la faute d’une mauvaise alimentation ou du manque de sport. Ce ne sont pourtant pas les causes de la maladie, mais des éléments qui peuvent l’amplifier.

Les principales causes de l’obésité sont au nombre de quatre

Les facteurs génétiques : Certaines personnes héritent d’une prédisposition à prendre du poids, et cela les suivra toute leur vie. Ce facteur est scientifiquement prouvé.

Le microbiote intestinal : Notre flore intestinale influence notre métabolisme et notre prise de poids. Les bactéries qui colonisent notre intestin jouent un rôle majeur dans notre capacité à assimiler les nutriments. La manière dont on naît (par césarienne ou par voie naturelle), notre alimentation et même nos contacts physiques avec d’autres personnes influencent notre microbiote.

Les dérèglements hormonaux : Certaines hormones influencent la régulation du poids, et les perturbateurs endocriniens présents dans l’alimentation moderne pourraient jouer un rôle dans le développement de l’obésité.

Les traumatismes psychiques : Un choc émotionnel important (violences, guerre, attentats, violences conjugales…) peut perturber profondément l’organisme et entraîner des modifications métaboliques favorisant l’obésité. Dans certains cas, la prise de poids est une réponse inconsciente du corps, une forme de protection face à un traumatisme.

Comment reconnaît-on l’obésité ? Est-ce lié aux pulsions alimentaires ?

L’obésité se définit comme une accumulation anormale de graisse dans l’organisme. Le principal critère pour l’évaluer est l’indice de masse corporelle (IMC), bien qu’il ait des limites en tant qu’outil de diagnostic individuel.

L’IMC se calcule ainsi : poids (kg) / (taille en mètres)². Un IMC supérieur à 30 définit l’obésité. Un IMC supérieur à 35 est un critère de gravité nécessitant une prise en charge médicale. Un IMC supérieur à 40 correspond à une obésité sévère, associée à un risque de mortalité 4 fois supérieur à la moyenne.

Chez certaines personnes, l’obésité s’accompagne de troubles du comportement alimentaire, mais ce n’est pas systématique. Il existe des formes d’obésité où l’apport calorique n’est pas particulièrement excessif, mais où le métabolisme fonctionne différemment.

Comment se passe la prise en charge de l’obésité ?

La prise en charge dépend du niveau de gravité de la maladie. Dès qu’un IMC dépasse 35, il est essentiel de consulter une équipe spécialisée.

Ce parcours commence par une évaluation globale de la situation du patient (alimentation, mode de vie, troubles métaboliques, santé psychologique…), un accompagnement personnalisé pour améliorer les comportements alimentaires et l’activité physique. Dans certains cas, une prise en charge médicale avec des traitements adaptés. Lorsque l’obésité est sévère et met en danger la santé du patient, une chirurgie bariatrique peut être envisagée.

Justement, quels sont les types d’interventions chirurgicales possibles ?

La chirurgie bariatrique est aujourd’hui l’un des traitements les plus efficaces pour les formes sévères d’obésité. Elle permet une perte de poids durable et réduit considérablement les risques de maladies associées.

Les deux interventions les plus pratiquées sont : la sleeve gastrectomie qui consiste à retirer une partie de l’estomac pour réduire la sensation de faim et limiter la quantité de nourriture ingérée. Le bypass gastrique, une intervention qui modifie le circuit digestif pour réduire l’absorption des aliments et favoriser une perte de poids plus rapide.

Le choix de la chirurgie dépend du profil du patient et se décide au cas par cas avec son chirurgien.

En conclusion, quel message souhaitez-vous faire passer ?

L’obésité est une maladie complexe qui ne se résume pas à un manque de volonté ou à une alimentation déséquilibrée. Il faut sortir du regard culpabilisant et comprendre que c’est une pathologie qui nécessite une prise en charge médicale, psychologique et nutritionnelle.

Il est également essentiel d’agir en amont avec une meilleure prévention, notamment auprès des enfants. On sait que si les parents obèses bénéficient d’un traitement adapté, le risque d’obésité chez leurs enfants diminue de deux tiers.

Mieux dépister, déculpabiliser et soigner : voilà les trois axes essentiels pour faire reculer cette épidémie mondiale.

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