Pour améliorer les chances de tomber enceinte ou encore assurer une grossesse dans les meilleures conditions possibles, aussi bien pour la maman que le bébé, il peut être bon de faire le point sur son hygiène de vie : tabac et autres produits addictifs bien sûr, l’activité physique ET l’alimentation. En effet, les aliments et les nutriments ont un impact non négligeable sur la santé de la mère et du fœtus. Alexandra Murcier, diététicienne-nutritionniste et co-créatrice du programme d’accompagnement personnalisé de nutrition BeMum fait le point sur leur importance dans la concrétisation d’un désir d’enfant.
- Pourquoi Docteur : pourquoi est-il recommandé de faire attention à son alimentation lorsqu’on a un projet bébé ?
Alexandra Murcier: L’alimentation a un rôle sur toutes les fonctions physiologiques de notre corps, puisque c'est le carburant de notre organisme. Elle joue ainsi autant sur notre système immunitaire que sur la qualité de nos cheveux, autant sur notre énergie que l'amélioration de la fertilité. Comment elle booste les chances de tomber enceinte chez les personnes qui ont des difficulté à tomber enceinte ? Une bonne alimentation améliore la qualité des gamètes, notamment la qualité spermatique et la qualité des ovocytes, et cela va aussi avoir un impact sur la santé du futur bébé.
En effet, c'est vraiment de plus en plus documenté scientifiquement, l'alimentation des parents en période de préconception va jouer un rôle sur la santé du bébé futur. De plus, faire attention à son assiette avant de tomber enceinte permet d'éviter de démarrer sa grossesse en étant carencée. Ce qui se traduit par moins de fatigue.
Il ne faut pas oublier non plus que l’alimentation joue un rôle dans plusieurs pathologies impactant la fertilité des femmes. Par exemple, le syndrome des ovaires polykystiques qui touche une femme sur dix. D’ailleurs, modifier l’hygiène de vie et avoir une alimentation adaptée et spécifique sont le traitement de première intention du SOPK.
- Y a-t-il d’autres troubles impactant la fertilité pouvant bénéficier d’un accompagnement nutritionnel ?
Pour les hommes et les femmes qui sont en surpoids, perdre des kilos avant la grossesse améliore aussi les chances de grossesse. Cela booste encore une fois les paramètres spermatiques ainsi que les chances d'implantation. En revanche, le but n’est pas du tout de faire un régime drastique qui pourrait créer des carences importantes, mais de perdre du poids doucement et durablement. Réduire son IMC est l’un des moyens pour favoriser la conception pour les personnes en surpoids (soit celles avec un IMC supérieur à 25).
"Un régime pro-fertilité est susceptible de booster les chances de tomber enceinte de près de 50 %"
- Quels sont les produits que les femmes ayant un désir d’enfant doivent mettre dans leur assiette ?
Cela dépend beaucoup de la situation physiologique de la patiente. Par exemple, pour un syndrome des ovaires polykystiques, on doit prendre en compte que ce trouble est aggravé par une résistance à l'insuline. Ainsi, on va recommander, une alimentation à index glycémique bas afin de faire varier le moins possible le taux de sucre dans le sang. Il faut donc privilégier les aliments avec les indices glycémiques les plus faibles (céréales complètes, légumineuses) et limiter ceux ayant des indices élevés (céréales raffinées, produits sucrés).
Mais de manière générale, les oméga-3 (huile de noix, huile de colza, noix, poissons gras…) ont un rôle important dans la fertilité, puisqu’ils jouent sur la qualité des ovocytes. La vitamine B9 est très importante également. Aussi appelée "acide folique ", elle réduit les risques de mauvaise croissance du fœtus et certaines malformations chez le bébé à naître. L’apport se fait principalement grâce à la supplémentation, mais on en trouve aussi dans de nombreux fruits et légumes frais (épinards, salades, brocolis, choux-fleurs, betteraves, fruits rouges…).
En fait, la Docteure Gaskins de l’université de Harvard a mis en évidence en 2019 qu’un régime pro-fertilité est susceptible de booster les chances de tomber enceinte de près de 50 %. Il s’agit d’une alimentation riche en antioxydants ainsi qu'en vitamine B9, en produits laitiers ou en soja.
- Est-ce que les hommes doivent aussi faire attention à leur alimentation lorsque le couple a un projet de bébé ?
Lors des problèmes de fertilité, les hommes sont moins soumis aux désordres hormonaux que les femmes. Alors l’aliment va surtout servir à améliorer la qualité spermatique. Les hommes désirant avoir un enfant doivent miser sur un menu, encore une fois, très riche en antioxydants, et surtout en oméga-3. Plusieurs études ont, en effet, montré que ce nutriment influence la qualité spermatique (quantité, motilité, structure…). En revanche, contrairement aux femmes, les futurs papas doivent éviter le soja.
Additifs et aliments ultra-transformés : "ce qui pose le plus problème, c'est l'effet cocktail"
- Plusieurs études pointent du doigt les effets néfastes des produits ultra-transformés sur la fertilité. Est-ce qu’ils sont aussi à éviter ?
Effectivement, les aliments très transformés sont à éviter lors d’un projet bébé. En fait, il y a des additifs dans ces produits qui peuvent avoir un rôle négatif sur la fertilité. Pour essayer d'utiliser le moins d'additifs possibles, il faut choisir les aliments qui vont être les moins transformés possibles, en vérifiant les étiquettes.
Heureusement, les additifs les plus dangereux pour la fertilité sont interdits dans l’Union européenne. Il faut aussi faire attention à ceux en circulation qui sont soupçonnés d’être “potentiellement” néfastes pour la fertilité. Mais, ce qui pose le plus problème, c'est l'effet cocktail. La surexposition aux additifs dans notre alimentation peut conduire à un effet de cumul pouvant être problématique pour la santé et la fertilité.
Au-delà des additifs alimentaires, il faut aussi se méfier des perturbateurs endocriniens potentiellement présents. En effet, beaucoup d'aliments transformés sont emballés dans du plastique. Il y a un risque qu’ils contiennent des perturbateurs endocriniens pouvant perturber notre système hormonal.
Il est aussi recommandé d’éviter les pesticides, et donc de privilégier les fruits et légumes bios. Il faut aussi essayer de baisser sa consommation de sucre. Comme je l’ai déjà indiqué, les glucides exacerbent les problèmes de fertilité chez la femme ayant un SOPK, mais aussi chez celles souffrant d’endométriose.
On tente de diminuer la consommation d'oméga-6 également, parce que ce dernier à une action pro-inflammatoire. Il est donc néfaste dans le cas de l'endométriose et du SOPK.
Bien sûr, il faut éviter l'alcool. Une consommation régulière altère le sperme, sans oublier ses conséquences néfastes sur le fœtus.
Il est aussi conseillé de réduire les produits d'origine animale. En fait, idéalement, il faudrait tendre vers une alimentation à 50 % protéines d'origine animale et 50 % de protéines végétales.
Alimentation pro-fertilité : "il faut un peu de temps pour observer un effet"
- Quand faut-il commencer à faire attention à son régime ?
Je recommande de faire attention à son alimentation au moins trois mois avant la conception. Pourquoi ? Parce que comme pour tout changement d'alimentation ou pour toute cure de complément alimentaire, il faut un peu de temps pour observer un effet. De plus, la création d'un spermatozoïde de A à Z dure quatre mois. Et pour les femmes, c'est pareil. L'ovocyte du mois de février a commencé à maturer 3 à 4 mois avant. Ainsi faire attention à son alimentation au moins 3 à 4 mois avant la conception, c’est bien.
En revanche, s'il y a une perte de poids qui doit être mise en place, il faut alors envisager une plus longue période. Le but est d’éviter de carencer une femme avant une grossesse, au risque sinon, de lui faire démarrer sa grossesse fatiguée et en manque de micronutriments recommandés. Il ne faut pas hésiter à consulter des professionnels de santé en cas de besoin.