- A l'hôpital de Saint Brieuc, une biographe hospitalière recueille des récits de vie de patients gravement malades pour les éditer sous forme de livres.
- Cette pratique permet aux malades en fin de vie de revenir sur leur parcours et de laisser un témoignage à leurs proches.
- Elle permet aux patients de faire des parenthèses qui leurs sont bénéfiques dans un quotidien centré sur la maladie et les soins.
"Mettre de la vie jusqu’au bout", c’est l’objectif d’une initiative menée depuis 2018 à l’hôpital de Saint-Brieuc qui propose aux patients en fin de vie de recueillir le récit de ce qu’ils considèrent comme l’essentiel de leur existence et d’en faire un livre. Une pratique qui, dans cet établissement, a déjà concerné plus de 40 personnes.
La démarche, initiée dès 2007 par Valéria Milewski à l’hôpital de Chartres (elle existe aujourd’hui dans une quarantaine de services hospitaliers en France), a été poursuivie par le Dr Corinne Alleaume, oncologue à l’hôpital de Saint Brieuc, et Aude Bracq, biographe hospitalière. Elle consiste à mener des entretiens avec des patients en fin de vie qui racontent les événements, les souvenirs les plus marquants de leur parcours. La mission de la biographe est ensuite de rédiger ces témoignages et de les éditer sous la forme de livres dont les malades sont présentés comme les auteurs et qui portent leur signature.
Une pratique considérée comme un soin de support
"Cela permet aux patients de réfléchir sur leur vie, de retrouver des moments heureux, de revenir sur des valeurs à transmettre, mais c’est aussi un moyen pour eux, durant les entretiens, de bénéficier d’une sorte de bulle qui leur permet de s’échapper de la maladie et des soins", raconte Aude Bracq. "Il s’agit d’apporter un peu de baume au cœur des personnes en fin de vie", confirme le Dr Alleaume qui considère que cette pratique "fait intégralement partie des soins de support".
Une notion importante qui donne au principe de biographe hospitalière toute sa place dans la réflexion sur la fin de vie, un sujet au cœur de l’actualité et sur lequel un projet de loi pourrait être débattu d’ici à l’été prochain à l’Assemblée nationale.
Des entretiens au chevet des patients
Concrètement, comment se passe la réalisation de ces biographies de fin de vie ? "Des entretiens sont menés, à l’hôpital, au chevet du patient, des entretiens courts le plus souvent pour tenir compte de sa fatigue", raconte Aude Bracq. Un travail qui, selon elle, valorise les personnes qui ont vécu des années de maladie grave et dont l’entourage est parfois affaibli ou découragé. "Il est important pour les patients de se sentir écoutés, de réaliser que leur récit intéresse, qu’ils puissent se dire 'j’ai pu faire tout cela, c’est moi' ; certains étaient jusque-là désemparés face à des mots qu’ils n’ont pas pu dire durant leur vie et qu’ils ont besoin d’exprimer". Pour quelques-uns, la démarche offre tout simplement, lorsque la biographe hospitalière vient recueillir leurs paroles, "le simple plaisir d’être visité, un moment de bien-être".
Un impact positif sur les soignants et les familles
Et l’initiative menée à l’hôpital de Saint Brieuc a aussi aux yeux du médecin comme de la biographe d’autres vertus, comme celle de faire baisser, pour les équipes médicales, la pression qui pèse sur elles dans cet accompagnement de malades en fin de vie. "Cela leur permet d’avoir un autre regard sur les patients, d’apporter un peu d’humanité", souligne Le Dr Alleaume. Et ces récits de vies ont également leur importance pour les proches, ceux auxquels ces ouvrages sont le plus souvent destinés : "Cela fait autant de familles qui peuvent ainsi posséder un livre de leur parent, quelque chose à transmettre, cela peut avoir un impact important sur la façon dont ils peuvent faire leur deuil".